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CA 333 octobre 2023

Marche blanche pour Nahel

samedi 7 octobre 2023, par Courant Alternatif


La foule était impressionnante. Pour qui ignorait où se rendre (le point de départ de la marche a dû être changé au dernier moment), il suffisait de suivre les gens qui sortaient du R.E.R., avançant en groupes compacts. C’est déjà un point important. Il faut se rappeler qu’il y a généralement très peu de monde venu de l’extérieur du quartier pour les hommages rendus en banlieue aux victimes de violences policières. Certains ont comparé le nombre de gens au rassemblement pour Adama Traore à la sortie du confinement. Mais ça n’est pas comparable. Ce rassemblement avait lieu dans Paris, et il a réuni beaucoup plus de monde qu’il n’y en a jamais eu à Beaumont sur Oise ou à Persan. J’avoue que ça réchauffait le cœur.
Bien sûr, le gros de la foule ne sortait pas du R.E.R. La foule était en grande partie nanterroise. Une foule très mixte, filles et garçons, des jeunes, des vieux, des mères de famille, des bandes de copains, des familles, quelques écharpes tricolores égarées au milieu (Nanterre est une ville de gauche, longtemps communiste), quelques drapeaux syndicaux… Il s’agissait d’une marche blanche, le cortège n’était donc structuré ni en partis, ni en syndicats, ni en cortège de tête, ni en rien… Il était très dynamique. On sentait que ça faisait du bien à tout le monde de se retrouver si nombreux.
Marche blanche est généralement synonyme de marche silencieuse. Cette marche là ne l’était pas. « Justice pour Nahel », bien sûr, mais aussi « Police partout, justice nulle part », « Pas de justice, pas de paix », « Tout le monde déteste la police », « Flics, racistes, assassins », « Etat, assassin », des rappels sur Zyad et Bounah, Adama Traore… Des slogans repris et lancés par la famille même de Nahel. Il faut saluer le courage et la dignité de sa mère, qui n’a pas varié dans la dénonciation de ce crime, qui est restée debout face aux accusations et calomnies contre son fils, et qui était là sur le camion sono à la marche.

On se doutait bien comment cette marche allait s’achever. Dès qu’on s’est approchés de la Préfecture et du Tribunal (qui se font quasiment face sur la même place) et du lieu où Nahel a été assassiné, la police a montré son nez, et de façon agressive. Ça a été bien sûr le démarrage d’une nouvelle nuit d’émeute. La police n’a même pas laissé la famille et les proches s’exprimer, elle a riposté avant qu’ils ne puissent entamer leurs discours. Même si ça n’est pas surprenant, ça met toujours en rage.
A signaler qu’en plus du déluge de gaz habituel (en tous les cas à Paris), la Préfecture a très vite fait fermer la station de R.E.R. Si c’est habituel pour les stations de métro, c’est beaucoup plus rare pour le R.E.R. C’est une vraie punition collective. Les stations de R.E.R. sont très espacées, bonjour la galère pour ceux qui rentraient du boulot, et justement on était en fin d’après-midi.
Quelles que soient les leçons politiques qu’on peut tirer de cette affaire, quoi qu’on puisse penser de la nature des émeutes, le niveau de solidarité a quand même monté d’un cran à cette occasion. Sans doute y a-t-il l’effet du mouvement sur les retraites, de l’émotion qui a suivi Sainte Soline, certainement que cette solidarité n’a pas été à la hauteur, notamment en ce qui concerne la répression des émeutiers, mais rappelons-nous l’indifférence générale, aux révoltes de quartiers près, envers les victimes de violences policières qui s’égrènent de plus en plus nombreuses au fil des années.

Sylvie

Mais qu’est-ce que le bourgeois éduqué ne comprend pas ?  
Chez le bourgeois éduqué la duplicité n’est pas un travers, elle est une convenance, un raffinement. Seule une pareille disposition à la fourberie autorise sa feinte incompréhension de la situation présente. Sa condamnation sans appel paraît presque plus honnête. 
Qu’il s’affiche de gauche, de droite ou de l’extrême centre, le bourgeois éduqué affirmait hier ne pas comprendre le soulèvement des Gilets Jaunes. Aujourd’hui, il déplore la rupture du pacte républicain. Entre nous soit-dit, il est bien le seul. Et justement, parce qu’il se sent et se sait de plus en plus seul, le bourgeois s’inquiète … Il lui reste évidemment sa police et ses médias … Et en la circonstance, les syndicats ne lui seront d’aucun secours. 
Le bourgeois éduqué pleure l’incendie d’une école publique quand il paie une institution privée qui épargnera à ses rejetons le « Vivre ensemble » des classes de REP. Le bourgeois éduqué s’indigne quand un centre social, une agence Pôle Emploi, un commissariat partent en fumée, lui le courtier des politiques de contrôle social en tous lieux et en tous temps. 
Le bourgeois éduqué s’effraie de la dévastation d’une enseigne pourrie de la distribution marchande quand jamais sa femme ou sa fille ne s’y feront exploiter ni humilier quotidiennement par quelque manager sadique. 
Le bourgeois éduqué sanglote quand une ligne de bus ou de tramway se fait dévaster, lui qui en aucun cas ne connaîtra les vexations du contrôle au faciès des gorilles du transport en commun. 
Enfin, le bourgeois éduqué, grand ou petit, ne peut entendre que la révolte est forcément sale, violente, incontrôlable, la plupart du temps désespérée puisqu’inévitable, libératrice, jubilatoire et malheureusement souvent sans lendemain ni perspective …
Le bourgeois a modelé l’époque à sa sinistre image, raison pour laquelle il ne souffre de la regarder en face. 
Boulogne-sur-mer, le 30/06/2023
https://lamouetteenragee.noblogs.or...

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