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CA 333 octobre 2023

MÉGA-BASSINES : UN ÉTÉ CHAUD

vendredi 13 octobre 2023, par Courant Alternatif

Contre le mouvement de défense de l’eau et les soulèvements de la terre (SDLT), l’Etat Macron utilise tous ses leviers : militaire, anti-terroriste, administratif, judiciaire, médiatique... Cela n’a pas empêché du 18 au 27 août, le Convoi de l’eau (1) parti de Sainte-Soline, de rallier le siège administratif de l’agence de l’eau Loire-Bretagne à Orléans et Paris.


LE CONVOI DE L'EAU, UNE INITIATIVE REMARQUABLE

Nous ne reprendrons pas le descriptif détaillé et les étapes du « méga guide » papier fourni aux participant-e-s. Au moment où les « écoterroristes » selon Darmanin se voyaient menacés de dissolution, et après la violence étatique déployée à Sainte-Soline le 25 mars, lancer une telle initiative était un vrai pari au vu de la logistique nécessaire (2) et de l’interdiction toujours possible, avec Macron. Ce pari a été réussi, pour ce qui est des participant-e-s qui étaient censé-e-s pédaler dans la bonne humeur en discutant avec leurs proches prés de 60 kms par jour, par plus de 30°C avec des baignades improvisées. Peut-être moins agréablement pour les membres de l’organisation, surinvestis et parfois surmenées.
Politiquement, le bilan est plus contrasté. Dans les départements où la défense de l’eau est présente dans les têtes (Vienne, Deux Sèvres), nombreux étaient les gens qui sortaient de chez eux pour voir passer le convoi des 700 cyclistes et des tracteurs et l’encourageaient. Des conférences débats avaient lieu presque à chaque étape, en rapport avec le lieu. Des distributions de tracts et des dialogues étaient tentés à chaque traversée d’agglomération (...et vers les automobilistes bloqués). Les collectifs locaux qui organisaient chaque soir le campement en plein mois d’aout ont de fait aussi démontré un dynamisme certain. La presse locale rendait compte assez largement de la lutte où passait le convoi mais ne répercutait pas l’information dans l’édition du département voisin. Par contre les médias hexagonaux ont clairement boudé l’évènement, ou traité à minima... De fait le convoi n’a pas « percé » médiatiquement ; une petite action contre un golf voisin (deux trous bouchés, un arrosage cassé,...), lors d’une pause repas, a aussitôt entraîné l’apparition de gardes mobiles et un communiqué du ministre de l’Agriculture dénonçant le vandalisme des anti-bassines. Partout où passait le convoi, les cibles potentielles - méthaniseurs géants, méga-fermes, chambre d’agriculture,...- étaient solidement gardées et une armada de flics suivait à distance. De fait la composition a penché pour un profil bas, en perspective des procès à venir ?... Il n’y a plus eu d’autres « désarmements » jusqu’à Orléans, avec les panneaux et le portail de l’agence de l’eau, qui ont été un peu cabossés quand une délégation du Convoi, demandant à la préfète du Loiret et région Centre un moratoire sur les futures constructions de bassines, a appris que la Coop de l’eau (qui regroupe les irrigants des deux Sèvres) avait au même moment installé tranquillement les barrières du projet de bassine de Priaires.

"Pas de bassine à Sainte Soline
La guerre de l’eau est déclarée
On se battra pour la gagner !"

UN PROCÈS POLITIQUE

Le 8 septembre à Niort, 9 anti-bassines passaient en procès. Porte-paroles respectivement de la Confédération Paysanne, de la CGT, de Solidaires, des SDLT et BNM, et deux militants, ils étaient accusés d’avoir organisé et participé aux manifs interdites de Sainte-Soline. Le 5 septembre, la préfecture de Niort avait interdit toute manifestation le 8, dans le centre à l’exception d’un rassemblement sur une place. Cette interdiction ne présumait rien de bon et a sûrement découragé un certain nombre. Pourtant plus de 2 000 personnes ont participé au mini trajet en direction du tribunal pour accompagner les inculpés. Ce procès exigé par le ministre semble monté de bric et de broc par le procureur local, au point qu’il a du être reporté au 28 novembre par manque de temps. La participation à une manifestation interdite n’est passible que d’une simple contravention ; d’où cette impression d’une volonté politique de monter l’affaire en épingle pour criminaliser les militantes anti-bassines plus connus.
La volonté de démontrer ainsi une structure hiérarchique de la résistance et donc une responsabilité d’un groupe précis est possible, histoire de construire un méta-récit, d’encourager désolidarisation et méfiance envers une lutte beaucoup trop populaire aux yeux de l’Etat.

QUELLE SUITE ?

Le lendemain des procès du 8 sept, une ballade naturaliste pour constater l’assèchement du Marais Poitevin a emmené quelques centaines de participant-e-s sur le site de Priaires, où les barrières du projet de bassine ont été partiellement renversées. Il y aura certainement une nouvelle mobilisation anti-bassines, puisque 4 nouvelles seraient d’ores et déjà budgétées, alors que les ressources en eau de la nappe phréatique concernée baissent rapidement. Au moment où la qualité de l’eau potable se dégrade avec la présence démontrée de molécules chimiques issues de produits phytosanitaires dans la plupart des grandes villes, avec un effet cocktail ignoré, il est impossible de laisser l’agro-industrie hypothéquer l’avenir du modèle agricole, donc de toutes et tous, au nom du rendement financier et des intérêts de quelques uns.

Nantes, le 19 /09/23

Notes
1) organisé par les SDLT, Bassines non Merci et la Confédération Paysanne
2) assurer l’accueil, la restauration, etc. de près de 700 personnes matin, midi, soir dans de nouveaux sites avec des collectifs locaux différents, mais aussi l’itinéraire journalier à négocier avec la préfecture et les aléas inévitables d’un tel convoi.

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