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CA 335 décembre 2023

Fermeture de YARA Montoir

mardi 19 décembre 2023, par Courant Alternatif

Le mois dernier nous expliquions en quoi l’usine de production d’engrais de la multinationale Yara basée à Montoir de Bretagne prés de Saint-Nazaire, constituait une menace, et comment un collectif d’associations luttait pour la mise aux normes des installations. Le 30 octobre, après la mort d’un ouvrier sur le site, Yara France annonçait la fermeture de l’usine et 139 licenciements à la clé.


Aura-t-il fallu un mort ?

Un intérimaire de 50 ans, travaillant pour une entreprise d’échafaudage intervenant pour des opérations de maintenance a été pris de malaise le 24 octobre en début d’après-midi, et son décès a été constaté par les secours sur le site à 16h. Aucune information n’a filtré au moment de ce décès. Il faudra attendre le 30 octobre et le Comité social économique central (CSEC) du groupe réuni à Paris, pour que cette mort au travail soit dévoilée en même temps que la transformation du site de production de Montoir qui était à l’ordre du jour de la réunion.

L’origine de ce décès a tout de suite été attribuée aux émanations d’ammoniaques qui font l’objet de doléances récurrentes de nombreux salariés. L’entreprise affirme cependant que la production étant à l’arrêt pour maintenance, les raisons sont autres. Les analyses toxicologiques de la première autopsie n’ont rien donné de probant, et une enquête judiciaire est ouverte pour déterminer les causes du décès. Tout comme une autre enquêtes ouverte en 2018 pour la mort d’un ouvrier suite à une chute d’échafaudage au même endroit, et qui n’a toujours pas aboutie... Comme pour de nombreuses morts au travail, il est probable que les causes de ce décès se perdront dans les méandres judiciaires...

Une fermeture des installations…

Yara France c’est 583 employés, 3 sites industriels (Montoir en Loire-Atlantique, Ambes en Gironde, le Havre en Seine maritime) et un Chiffre d’affaire 2022 de 1,7 milliard d’euros. Le CESC du 30 octobre a acté la fin de la production d’engrais à Montoir, sous prétexte que le site serait déficitaire de 40 millions d’euros consécutivement à une baisse de consommation des engrais azotés en France. Pourtant la multinationale conserverait une implantation à Montoir qui deviendrait une plate forme logistique d’importation d’engrais et une « unité de pointe de mélange et d’imprégnation d’engrais sur mesure ». La principale conséquence de cette « restructuration » serait la suppression de 139 postes sur les 170 que compte l’usine.

La fermeture de la production est bien le refus de l’entreprise de mettre aux normes ses installations en matière d’environnement et de sécurité. Yara a fait le choix d’exploiter jusqu’à la corde l’outil industriel, et préfère s’en débarrasser plutôt que d’investir dans une remise en état estimée entre 80 et100 millions d’euros. Ces licenciements et le plan social sont aussi un moment dans le rapport de force avec l’Etat, les associations et les syndicats : le chantage à l’emploi et la politique de la table rase sont toujours possibles pour une multinationale, et il ne faut pas se montrer trop contraignant avec les poids lourds de l’agro-industrie. Qu’on se le dise !

… Qui ne règle rien sur le fond

Le site possède une autorisation de stockage de 112.000 tonnes d’engrais. Il restera un site Sévéso seuil haut, car soumis à un risque d’explosion de premier ordre. Les conditions de stockage continueront à exposer l’environnement à des risques de pollutions, particulièrement en ce qui concerne les ruissellements et les contaminations des eaux souterraines. La dépollution du site ne sera pas à l’ordre du jour, en tout cas rien n’est annoncé en ce sens. Les conditions de mélange et d’imprégnation des engrais sur place impliqueront probablement des émanations de particules fines et autre composant organiques volatiles (COV), tout comme les opérations de fret des engrais importés... Par ailleurs, la direction de l’usine annonce une poursuite de la production encore pour 6 mois, dans les conditions de dangerosité pour les salariés et l’environnement que l’on connaît, histoire de liquider les stocks et de mettre en place un plan social.

La bataille continue sur différents fronts.

C’est pour toutes ces raisons que le collectif d’associations maintient sa demande de fermeture administrative du site jusqu’à sa mise aux normes, ce qui permettrait aux salariés de continuer à percevoir leurs salaires le temps de la réalisation des travaux. Un rendez vous en ce sens a été demandé au Préfet, pour lui remettre la pétition et ses 3000 signatures, mais aussi exiger d’en savoir davantage sur les projet de l’industriel et les garanties demandées par les autorités à cette occasion.

L’annonce de l’arrêt de l’usine, des 139 licenciements secs, et de la suppression de 800 emplois indirects selon les syndicats, a fait du bruit dans le bassin nazairien. La CGT et la CFDT de Yara on lancé un appel à la grève sur le site de Montoir, et appellent la population à les soutenir, à compter du 22 novembre date du démarrage de la procédure du « plan de sauvegarde de l’emploi pour raison économique » que les syndicats contestent. Dans ce cadre des démarches d’expertises sur la viabilité économique du site ont été annoncée.

Vers une lutte des classes pour le vivant ?

Le collectif d’associations qui a mené la campagne contre Yara depuis septembre a pris contact avec les salariés en lutte, et devrait rejoindre les piquets de grève devant l’usine le 22 novembre. Comment concilier la lutte pour l’emploi et la survie économique des salariés, et celle pour l’environnement et la santé des populations ? Comment admettre qu’il y a des emplois nuisibles dont il faut se passer pour leur substituer une production socialement utile ? Ce sont des questions fondamentales si l’on veut que cesse cette fausse opposition entre lutte des classes et lutte pour la vie qui est trop souvent instrumentalisé par le capitalisme et les partisans de la croissance à tout prix.

Peut être que des réponses à ces questions commenceront à s’élaborer collectivement sur les bords de Loire ces mois prochains.

OCL Saint-Nazaire
Le 20 novembre 2023.

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