mardi 6 août 2024, par
On se souvient des polémiques du début de ce millénaire autour des travailleurs/travailleuses détaché·e·s, le fameux à l’époque « plombier polonais ». L’Europe avait prétendu régler ce problème par différentes réglementations : le principe de « rémunération égale à travail égal » a été adopté en 2018, et une autorité européenne du travail a été créée. Il faut dire que les détachements au sein de l’U.E. concernaient plus de 2 millions de salarié·e·s en 2019 (plus de 230000 en France) contre moins de 500000 en 2004. Une enquête a été menée récemment.
C’est dans le bâtiment que le recours au travail détaché en France est le plus intense, en général de petites équipes, essentiellement des ouvriers d’Europe de l’Est, payés entre 1,2 et 1,5 fois le SMIC. Dans l’industrie, ce sont plutôt des techniciens ou agents de maîtrise, en provenance cette fois-ci d’Europe occidentale. Les ouvrier·e·s agricoles sont plutôt originaires du Maghreb et d’Amérique Latine (beaucoup travaillent en Espagne), et il y a plus de femmes. Environ un ouvrier agricole détaché sur cinq est une ouvrière. Ce sont les plus susceptibles d’être surexploité·e·s. Illes sont souvent embauché·e·s par l’intermédiaire de boîtes d’intérim espagnoles. Il y a enfin les mobilités intragroupe au sein des multinationales, qui concernent plus les cadres.
La directive de 2018 est entrée en vigueur dans le droit français en 2020. Elle a eu très peu d’effets. La durée des contrats de travail détaché a légèrement diminué, mais uniquement pour les contrats les plus longs. En ce qui concerne la rémunération égale pour le travail égal, les salariés qualifiés sont beaucoup plus égaux que les autres.
Source : Pierre Edouard Weil, « Européennes : le travail détaché absent des débats mais présent dans le quotidien des Français », The Conversation, 6 juin 2024.
En France, bien avant l’arrivée du RN aux portes du pouvoir, plus de 5 millions d’emplois, c’est-à-dire un emploi sur cinq, sont officiellement interdits aux étranger·e·s non européen·ne·s. Pour l’essentiel (4,1 millions), il s’agit de postes de la fonction publique ou parapublique. Bien sûr, on en emploie quand même mais comme contractuel·le·s. Seuls deux corps de fonctionnaires sont ouverts à tou·te·s les étranger·e·s : les médecins des hôpitaux et les enseignant·e·s-chercheur·e·s des universités, soit 140 000 emplois. Mais plus d’un million d’emplois du secteur privé sont aussi difficilement accessibles aux étranger·e·s. Il y a déjà beaucoup de professions libérales, notamment médicales et juridiques, pour lesquelles il faut un diplôme français. Mais aussi beaucoup de professions particulières. Par exemple, les étranger·e·s peuvent tenir un bar depuis 2017, mais pas un bureau de tabac. Et il y a toute une liste comme ça.
Source : « 5 millions d’emplois fermés aux étrangers non européens », Observatoire des inégalités, 14 mars 2024.
En 2022, les personnes perçues comme « non blanches » représentaient 15% de celles vues à la télévision, et les personnes « blanches », 85 %, selon une étude de l’Arcom. Or on estime à environ 27% la proportion de personnes « non blanches » dans la société française. La place occupée par les personnes que l’on voit à la télévision et la manière dont elles sont présentées exercent une influence sur nos représentations des rôles dans la société. La place des personnes non blanches ne change quasiment pas depuis 2014, toujours autour de 15%. Les personnes perçues comme non blanches représentent 20% de celles ayant un rôle négatif et seulement 10% de celles ayant un rôle positif. Ces chiffres doivent être utilisés avec une très grande prudence puisque les données sont particulièrement difficiles à établir, notamment la frontière entre « blanc » et « non blanc » est très floue. Malgré tout, ces données éclairent sur les écarts qui persistent entre la société française et l’image qu’en donne la télévision.
Source : « 15% de personnes perçues comme non blanches à la télévision », Observatoire des inégalités.
En France, seul·e·s 46% des chômeurs et chômeuses inscrit·e·s sont indemnisé·e·s, et ces dernier·e·s (catégorie A) percevaient 1093€ net par mois en moyenne en 2022, le taux de pauvreté des chômeurs/chômeuses est cinq fois plus important que celui des salarié·e·s. Et ce avant la nouvelle réforme du chômage qui nous était promise par la défunte majorité. Rappelons que notre système est un système d’assurance contre le chômage, c’est-à-dire qu’il a été inventé pour garantir que la perte de revenus soit faible.
Il est difficile de comparer les pays entre eux, parce que beaucoup de critères interviennent : les conditions pour pouvoir être indemnisé, la durée de versement des allocations, l’existence d’aides complémentaires… Il ne suffit donc pas de comparer les allocations versées par chômeur ou chômeuse. Sur neuf pays européens (Allemagne, Danemark, Espagne, France, Italie, Pays Bas, Pologne, Royaume-Uni, Suède), ceux/celles qui sont indemnisé·e·s touchent en moyenne de 12% de leur ancien salaire (Royaume-Uni) à 78,5% (Danemark). En France, c’est 46,4%, au 5ème rang.
Il faut tenir compte du fait qu’une part importante des demandeurs/demandeuses d’emploi indemnisables ne perçoivent rien ou seulement une partie résiduelle de leur indemnisation… parce qu’ils ou elles travaillent. En France, ce sont environ 50 % des indemnisables qui travaillent en parallèle de leur recherche d’emploi. Moins de la moitié des demandeurs/demandeuses d’emploi sont indemnisé·e·s en France (et encore, ceci ne prend pas en compte l’absence d’indemnisation des non-inscrit·e·s, alors qu’ils/elles représentent un·e· chômeur/chômeuse sur cinq). En effet, il faut avoir cotisé un certain temps en continu pour bénéficier d’une indemnisation, et la durée d’indemnisation dépend aussi de ce temps de cotisation. Et c’est bien sûr du côté des emplois discontinus que le chômage est le plus élevé. Là encore, si on prend les critères d’éligibilité à l’indemnisation en compte, la France se situe plutôt au milieu. Mais il faut préciser que nous sommes le pays qui a le plus recours aux contrats très courts, donc qui excluent la possibilité d’être indemnisé·e·. Donc, finalement, le chômage est assez mal couvert. Or plus de la moitié des personnes font l’expérience du chômage au moins une fois dans leur carrière. Par ailleurs, la France dépense très peu pour aider les chômeurs/chômeuses (accompagnement de retour à l’emploi, financement de formations…) : 0,84% du PIB.
Rappelons que l’UNEDIC (l’organisme qui finance l’assurance chômage) est en excédent…
Source : Baptiste Françon et Jean Marie Pillon, « Avec ses chômeurs, la France n’est pas plus généreuse que ses voisins », The Conversation, 14 mai 2024.