Edito : Riposter c’est vital !

Au bout d’une succession de manifestations hivernales puis printanières, le 1er mai allait-il être l’enterrement du mouvement contre la réforme des retraites ?

A première vue, non si l’on ne se fie qu’au nombre conséquent de manifestant·es (même s’il y a eu des journées plus massives) et au dynamisme de certains cortèges, voire au nombre de cortèges sauvages. Non, s’il on considère que c’est à cette manifestation du premier mai qu’on a vu les cortèges de jeunes, étudiant·es et lycéen·nes, les plus étoffés et la longue durée de ces cortèges jeunes et « sauvage ».
Par contre, si l’on considère que les directions syndicales n’ont pas du tout apprécié d’être autant débordées, que la fermeté opposée par le gouvernement ne pouvait que démontrer leur impuissance et qu’elles ont donc choisi de reporter la manifestation suivante à une échéance de 5 semaines, il ne s’agissait pas d’un enterrement mais d’un dernier tour pour l’honneur avant de retourner discuter avec un gouvernement inflexible. Et d’autre part, concernant les jeunes, il s’agissait aussi pour elle·eux d’un dernier tour avant les révisions et les examens…

Quelle stratégie aurait-elle pu aboutir à un résultat différent ? Peut-être une volonté réelle de construire une grève générale interprofessionnelle. Ce n’est pas du tout dans la culture de la plupart des confédérations. Donc seuls les salarié·es de quelques secteurs (cheminots, énergie) ont tenté de jouer le jeu ; mais de façon isolée, c’était un sacrifice inutile (heureusement limité par des caisses de grève bien remplies). Enfin, le mouvement s’est largement appuyé sur les salarié·es à emploi à peu près sécurisé et les retraité·es. Les salarié·es les plus précaires et les demandeur·euses d’emploi, toujours très difficiles à convaincre de la possibilité de se battre (ce qui peut se comprendre) n’étaient pas très présents dans les manifs. Le gouvernement a bien désamorcé ce qui aurait pu profiter à la lutte en accordant quelques avantages aux salariés des transports routiers.

Une semaine avant la manifestation du 6 juin, il ne nous semble pas trop difficile de pronostiquer une mobilisation encore en baisse par rapport au 1er mai, tout en restant assez significative. Un sursaut serait étonnant.
Alors qu’est-ce qui peut remplacer ces grandes manifs ? Les « Casserolades » sont bien sympathiques mais elles restent des actions symboliques portées par une minorité de militants de base, souvent non encartés, rappelant aux gouvernants qu’ils sont minoritaires dans l’opinion publique. Ça ne suffit pas à en faire un mouvement social.

Au niveau des luttes d’entreprises, il reste des espoirs, le bilan de la lutte à Heineken et la rubrique Insubordination salariale laissent entrevoir quelques possibilités de victoires partielles. C’est important, même si ça ne change pas radicalement notre société. Toute lutte débouchant sur un acquis aussi minime soit-il redonne espoir pour des luttes ultérieures.

Cependant les luttes actuelles ne doivent pas se cantonner au salariat et aux conditions matérielles de vie. Il y a des enjeux très importants au niveau de la gestion des ressources communes sur cette planète, la préservation du climat, des milieux naturels. Ces points ont été largement évoqués dans CA N°330. Évidemment, le capitalisme cherche toujours à favoriser des activités économiques lucratives quelques soient les destructions qu’elles apportent.
Heureusement des oppositions se font entendre, que ce soit sur la gestion de l’eau, les infrastructures routières, les implantations de zones commerciales… Les manifestations sont de plus en plus nombreuses sur ces terrains et la stigmatisation des « écoterroristes » par le sinistre de l’Intérieur ne font plus effet. Malgré la violence de la répression guerrière plus que policière à Sainte-Soline, des personnes se rendent nombreuses aux rendez-vous des luttes de défense des territoires. A cause le la menace de dissolution des Soulèvements de la terre par Darmanin, ce mouvement se renforce et développe des implantations locales.

L’avenir des luttes peut-il se trouver là ? Sans doute en partie, mais ce qui reste important c’est de lier les mouvements : le rural et l’urbain, le social et l’écologie, la défense des conquis et la volonté d’en obtenir de nouveaux, les personnes ayant la nationalité française et les migrants. Tout cela doit se faire aussi en développant le respect des différences de genre, des minorités, des personnes des banlieues, des immigré·es,.. Absolument pas pour créer des catégories particulières mais au contraire pour aller vers une égalité de tous et toutes. En particulier dès cet été, il va falloir renforcer les solidarités avec les migrants et dénoncer les collusions entre les droites au pouvoir et celles qui poussent encore plus vers la ségrégation et le racisme d’État.

Encore quelques mots sur la répression. Nous voyons aujourd’hui plus que jamais combien le gouvernement de Macron et Borne, au service du capitalisme sur le plan idéologique et pratique est prêt à tout pour défendre les intérêts qui l’ont aidé à arriver à ce poste. Ils sont prêts à tout au niveau de la lutte contre les mouvements sociaux et écologistes, ils sont prêts à tout au niveau de la lutte contre les migrants. Pour cela ils s’appuient sur une police dont une grande partie soutien le RN et Reconquête. La violence débridée qu’ils s’autorisent confirme que la différence est très mince entre la Macronie, les LR, le RN.
Il est nécessaire dès maintenant de s’organiser contre la répression d’État, de combattre toute forme de surveillance policière, et surtout de montrer à nos alliés de circonstances dans les mouvements sociaux que toutes les victimes de la répression ont les mêmes droits à notre solidarité, qu’elles aient été manifestant·es pacifiques, qu’elles soient allées à l’affrontement avec les flics ou qu’elles aient saboté du matériel.
Lutter, riposter aux régressions sociales et aux répressions d’État, c’est vital !

Limoges, le 29 mai 2023