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CA 331 juin 2023

Manifestations en Israël : pour quelle démocratie ?

samedi 24 juin 2023, par Courant Alternatif

Benyamin Nétanyahou est revenu au pouvoir, avec une coalition d’extrême-droite fin 2022 (1). Dès le 4 janvier 2023 le gouvernement a présenté un projet de réforme de la justice dont le principe est de la rendre plus dépendante des partis au pouvoir.


Cela permettrait en particulier à Nétanyahou d’éviter les poursuites pour corruption. Depuis le 14 janvier les manifestations contre ce projet ont été fréquentes et ont rassemblé des foules très importantes. Hélas, ces manifestants pour la démocratie ne prennent pas en compte le peuple palestinien comme le rappelle le communiqué de l’UJFP que nous relayons ci-dessous.

{{Israël : la démocratie pour qui ?

Des centaines de milliers d’Israélien.nes ont manifesté dans toutes les villes du pays à de très nombreuses reprises. Malgré toutes les tentatives de les réprimer, le mouvement n’a pas faibli. Au bout du compte, les alliés d’Israël ont exprimé leur « inquiétude ». Et Nétanyahou a été contraint de remettre à plus tard son projet de mettre au pas la Cour Suprême et de s’assurer ainsi l’impunité judiciaire malgré les très nombreuses affaires de corruption pour lesquelles il est poursuivi. En même temps, Nétanyahou a donné des gages à ses alliés en autorisant la création d’une « garde nationale » qui ressemble à une milice privée chargée des basses œuvres.

Beaucoup de médias ont aussitôt communiqué sur la « démocratie israélienne sauvée ». Des comparaisons ont été faites entre Macron refusant de céder face à un immense mouvement social et Nétanyahou obligé de reculer.
Mais de quelle démocratie parle-t-on ? L’extrême droite est devenue hégémonique en Israël. Les dernières élections ont vu s’affronter deux coalitions dominées par l’extrême droite.

L’une est dominée, par les colons et les sionistes religieux. Ceux-ci sont décidés à expulser ou à emprisonner les Palestinien.nes chaque fois que l’occasion se présentera. Ils ont montré qu’ils sont prêts à tout avec le pogrom perpétré à Huwara (2), les colons pogromistes étant épaulés par l’armée. Ils sont clairement suprémacistes et homophobes. Les manifestant.es les qualifient de « Juifs fascistes ».

Mais dans l’autre coalition (3), on trouve d’authentiques criminel.les de guerre : Naftali Bennett (« j’ai tué beaucoup d’Arabes, je ne vois pas où est le problème »), Benny Gantz, Avigdor Liebermann, Ayelet Shaked … Même Merav Michaeli, dirigeante du parti travailliste expliquait récemment : « où qu’ils soient, les membres du Jihad Islamique doivent être anéantis ».

Des généraux, des membres des services secrets, des organisations de réservistes, ont dirigé ces manifestations où les drapeaux israéliens étaient omniprésents. Ils/elles représentent bien cette fraction importante de la société israélienne qui veut vivre « à l’européenne » en jouissant pleinement des richesses engrangées par les technologies de pointe, les ventes d’armes ou le savoir-faire en matière de répression. Comme Itamar Ben Gvir a affirmé qu’il allait aussi s’en prendre aux « Juifs déloyaux », les manifestant.es exigent la démocratie … pour les Juifs/ves.

C’est bien là qu’est le problème : 50% de la population entre Méditerranée et Jourdain est palestinienne. Cette population a été fragmentée en de nombreux statuts de domination différents. Elle réclame l’application du droit international : fin de l’occupation, de la colonisation, du blocus de Gaza, destruction du Mur, libération des prisonniers, égalité des droits pour tous, droit au retour des réfugiés palestiniens. De tout cela, il n’est pas question pour la grande masse des manifestant.es. Le régime d’apartheid, terme utilisé par la plupart des associations défendant les Droits de l’Homme partout dans le monde, est réfuté par ces partisan.es de la démocratie sélective.

Israël est un État ethnique où les droits dépendent de l’origine. Les citoyens non juifs (plus de 20% de la population) ont légalement la nationalité « arabe », « druze », « circassienne » ou « bédouine ». Jamais palestinienne. De très nombreux métiers leur sont interdits. Ils n’ont pas le droit d’habiter dans la plupart des villes. Le taux de pauvreté chez eux est 3 à 4 fois plus important que dans la population juive. Un véritable nettoyage ethnique est en cours depuis des années contre les Palestinien.nes dans le nord du désert du Néguev/Naqab. Où est la démocratie pour eux /elles ?

Il y a eu un précédent en Israël : la « révolte des tentes » en 2011, un grand mouvement de révolte des classes moyennes pour obtenir des logements décents à des prix abordables. Il avait occasionné des manifestations monstres. Quelques rares drapeaux palestiniens étaient apparus dans ces défilés mais trop peu. Le mouvement n’avait pas abouti. Il avait juste permis l’ascension politique de Yaïr Lapid, surfant sur ce mouvement et sur l’aspiration à la laïcité. Arrivé au pouvoir, il s’est allié à plusieurs partis religieux et a multiplié les bombardements meurtriers sur Gaza.

La démocratie ne se partage pas. Défendre une Cour suprême pour qu’elle puisse faire condamner Nétanyahou mais accepter qu’elle ait légalisé la torture et l’expropriation des villageois de Masafer Yatta, ce n’est pas défendre la démocratie. Il ne peut pas y avoir un État démocratique pour les Juifs et d’apartheid contre les Palestiniens.

Le mouvement actuel n’a d’avenir et ne pourra enrayer la fascisation du pays que s’il intègre l’égalité des droits et l’application du droit international pour tous.

La coordination nationale de l’UJFP le 3 avril 2023

L’introduction et la note 3 sont de la CJ de Courant Alternatif

Benyamin Nétanyahou a gagné les élections israéliennes en décembre 2022 à la tête d’une coalition d’extrême droite avec 64 députés sur 120. Dans cette coalition, les "kahanistes" (héritiers du parti raciste Kach interdit dans les années 80 pour terrorisme) ont obtenu des postes clés dans le gouvernement : Itamar Ben Gvir est à la Sûreté Nationale et Bezalel Smotrich est aux Finances. Dans cette coalition, Nétanyahou a comme préoccupation principale de mettre au pas la Justice pour ne pas aller en prison et ses alliés multiplient les provocations contre les Palestiniens pour faire avance la colonisation.
Le 18 janvier, la Cour Suprême a invalidé le ministre de l’Intérieur de Nétanyahou. Celui-ci a décidé aussitôt de limiter ses pouvoirs et de la mettre sous contrôle du Parlement.
Des manifestations monstres ont alors commencé. Près de 10% de la population juive est descendue dans la rue. Le 28 mars, Nétanyahou reculait en annonçant une "pause " de sa "réforme" judiciaire. Les manifestations ont continué avec toujours une grande ampleur. Fin avril, on en était à 15 semaines de manifestations.

Notes
(1) Précisions dans l’encart.
(2) Le 26 février, deux colons ont été tués près du village palestinien de Huwara près de Naplouse.Le lendemain, des centaines de colons armés épaulés par l’armée ont envahi le village. Il y a eu un mort, 390 blessés et des dizaines de maisons et de voitures brûlées.
(3) La coalition anti-Netanyahou comprend quatre partis principaux : Yesh Atid parti sioniste de centre droit, ultra libéral 17 députés, Le parti de l’unité nationale, rassemblant deux partis et 14 députés, également sioniste de centre droit et libéral au plan économique, le Parti travailliste, sioniste et social-démocrate qui a 7 députés, Israël Beytenou de droite sioniste conservatrice avec aussi 7 députés. Les petits partis de gauche et nationalistes arabes : Meretz, Hadash, Ta’al, Liste arabe unie et Balad sont opposés à Netanyahou sans être membres de la coalition d’opposition.

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