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CA 331 juin 2023

Sans Frontières 331

mardi 27 juin 2023, par Courant Alternatif


  • Loi Darmanin, la droite à l’attaque
  • Immigration = délinquance ? Du pipeau !
  • Réforme des retraites : haro sur les immigrés retraités
  • Expulsions dues aux JO
  • Soutien aux occupant·es de Thiais
  • CADA et extrême-droite
  • Arrivée de la barge à migrants au Royaume-Uni
  • Actions contre l’opération Wuambushu à Mayotte

Loi sur l'immigration, la droite à l'attaque !

Au plus fort du mouvement social contre la réforme des retraites, le gouvernement avait reporté « sine die » ce projet de loi pour calmer la fronde des députés mais voilà que les plans ont changé et que la Macronie remet le couvert et souhaite balancer son projet de loi définitif en juillet. Les débats parlementaires, quant à eux, sont prévus pour l’automne. De l’aveu même de la première ministre, il n’y a pas de majorité sur ce texte, c’est donc le marché politique en ce moment et la droite en profite pour se refaire une cure de jouvence en chassant sur ses terres et sur celles du RN, les discours se confondant mot-à-mot. Ainsi, Ciotti, Marleix et Retailleau respectivement présidents des LR, du groupe parlementaire à l’Assemblée Nationale et celui au Sénat font deux propositions de loi au Parlement pour tenter d’influer sur la futur loi Asile Immigration. C’est surtout une bonne occasion pour essayer de réunifier ce parti en déliquescence.

Leur première proposition est de modifier la Constitution, rien que ça, « pour restaurer la souveraineté en matière d’immigration » sous-entendu pour court-circuiter la Cour Européenne des Droits de l’Homme et le Conseil constitutionnel, jugés trop complaisants avec les associations d’aide aux migrants qui les interpellent. Autre modification constitutionnelle proposée : permettre la tenue d’un référendum sur la politique migratoire en changeant l’article 11 du texte de loi fondamental. En faisant cela, la droite veut une loi organique sur l’immigration qui passe au-dessus du droit international et des grands traités de protection des réfugiés, si fragiles sont-ils ! Dernière volonté, ils veulent faire apparaître textuellement la notion d’assimilation dans la Constitution. La deuxième proposition de loi, ordinaire cette fois, se structure autour de 4 principes : couper « les pompes aspirantes » comme les aides sociales, les règles actuelles de frais de scolarité ou de regroupement familial ; criminaliser toujours plus les immigrés en rétablissant le délit pour séjour clandestin ; rendre impossible l’acquisition de la nationalité française à un enfant né sur le territoire dont les parents étaient sans-papiers à l’époque ou à conditionner à cinq ans de présence sur le territoire le droit à bénéficier d’une protection sociale ; faire pression sur l’aide au développement auprès des pays-tiers qui doivent accepter de reprendre leurs ressortissants sous peine de couper les financements.   

On le voit, le ton se veut très xénophobe et la droite dit ne pas vouloir entendre les idées de régularisation par le travail proposées par Darmanin pour ce qu’il appelle les « bons migrants ». Rappelons déjà que ce ne sont pas des régularisations définitives mais temporaires via des visas reconductibles ou pas. Aussi, la droite va se confronter de manière discrète mais ferme au pragmatisme de son électorat patronal qui espère s’appuyer sur une main d’œuvre disponible pour les métiers dits en tension comme le bâtiment ou le service à la personne. Tout cela reste des effets d’annonce. A suivre.

Source : Le Monde, le JDD

Immigration = délinquance ? Du pipeau !

Les chiffres, on peut leur faire dire n’importe quoi et ils servent régulièrement le discours anti-immigrés. Ainsi dans les médias, la statistique suivante est souvent mise en avant pour valider des thèses xénophobes : en 2019, la proportion d’étrangers dans la population totale était de 7,4 %, mais s’élevait à 14 % parmi les auteurs d’affaires traitées par la justice, à 16 % dans ceux ayant fait l’objet d’une réponse pénale et à 23 % des individus en prison. Le lien semble logique et pourtant… le centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) vient de sortir un rapport où des chercheurs analysent cette surreprésentation et la déconstruisent. Primo, un certain nombre de délits ne sont imputables qu’au statut d’étranger comme les séjours irréguliers donnant lieu à une OQTF ou un travail sans titre de séjour. Deuxio, les immigrés présentent des caractéristiques individuelles qui les rendent plus susceptibles d’être en infraction avec la loi. Autrement dit, ce sont surtout des hommes, jeunes, précaires, ce qui français ou pas amène à une sur-représentation dans les stats policières et judiciaires. La pauvreté restant une des entrées majeures dans la délinquance. Tertio, les étrangers vivent majoritairement dans des zones pauvres et donc plus propices aux trafics en tout genre. In fine, ce sont les raisons sociales et géographiques qui font la délinquance et aucunement l’origine ethnique ou la race.

L’étude du CEPII dit aussi autre chose : à caractéristiques similaires, les étrangers sont plus souvent et plus longtemps condamnés que les Français. En moyenne, pour un même délit avec les mêmes antécédents judiciaires, en ayant suivi la même procédure et avec les mêmes caractéristiques individuelles (âge, sexe, lieu et date de jugement), les étrangers ont non seulement une probabilité plus forte (de 5 points de pourcentage) que les Français d’avoir une peine de prison ferme, mais sa durée est également plus longue, de 22 jours. Enfin, les médias reportent davantage les infractions commises par les immigrés et/ou divulguent plus fréquemment l’origine des suspects s’ils sont étrangers.

Source : the conversation

Réforme des retraites : haro sur les immigrés retraités

Elle entre en vigueur dès septembre et elle va faire mal pour tout le monde, avec déjà 3 mois de plus pour celles et ceux qui devaient être en retraite en septembre. Mais parmi les plus impactés par cette réforme, figurent en bonne place, les immigrés qui travaillaient en France dans les boulots les plus précaires et qui bénéficient du minimum vieillesse : l’allocation de solidarité personnes âgées (ASPA) d’un montant mensuel d’environ 950 euros. Jusqu’à maintenant, il fallait résider 6 mois de l’année en France pour avoir cette allocation. Désormais la période est rallongée à 9 mois par an sur le territoire. C’est la douche froide pour la plupart des immigrés, dont beaucoup de maghrébins, qui espèrent finir leur jour au pays. La décision est d’autant plus dure à avaler qu’en avril dernier, Macron avait reçu 9 anciens tirailleurs sénégalais – anciens combattants de la seconde guerre mondiale- pour les autoriser à repartir définitivement au pays tout en touchant encore la retraite. Donner d’une main devant les caméras, et reprendre de l’autre... furtivement.

Source : communiqué de l’association des travailleurs maghrébins de France et du GISTI

Série d'expulsions en Île de France, le spectre des JO

A deux pas du futur village olympique de la plaine Saint-Denis, le squat Unibéton – du nom de l’ancienne entreprise de BTP - vient de se faire expulser avec une opération policière démesurée. Le squat existait depuis 2020 et hébergeait environ 400 personnes, surtout des personnes issues des communautés tchadiennes et soudanaises. Comme dans tous les lieux de vie, une vie communautaire s’était construite en trois ans avec aussi des femmes et des enfants. La décision d’expulsion remontait à octobre 2020 mais rien ne bougeait vraiment car le propriétaire ne donnait pas signe de vie. Mais l’approche des Jeux Olympiques a réveillé la préfecture qui a pris l’initiative. Au matin du 26 avril, des centaines de flics ont encerclé le bâtiment, certains sur le toit, avec des drones de surveillance. La cinquantaine de soutien n’a rien pu faire et l’expulsion s’est passée « dans le calme ». Comme à chaque fois, la situation administrative de chacun·e est étudiée et des hébergements sont proposés mais ils sont temporaires et lointains. Avec l’approche de Paris 2024, le gouvernement vient de décider d’ouvrir 3 600 places d’hébergements en région (hors Île-de-France, Hauts-de-France et Corse). La novlangue administrative appelle ça des « sas régionaux », il y en aurait une dizaine avec 50 places maximum. Sur le papier, c’est pour de la ré-orientation de personnes car le séjour maximal y serait de 3 semaines.

Outre le grand squat Unibéton, un campement de plus de 300 personnes – surtout originaires d’Afghanistan et d’Afrique sub-saharienne – a été évacué à la mi-mai au niveau du métro Stalingrad, dans le nord-est parisien. Des hommes et des femmes expulsés se sont rassemblés devant l’hôtel de ville sous la houlette d’Utopia 56. Le ton est monté quand, vers minuit, la Mairie a annoncé qu’il n’y avait pas de mise à l’abri possible. Une quinzaine de personnes ont été interpellées pour entrave à la circulation.

source : Bondyblog, Infomigrants

Soutien aux occupant-es de Thiais (94)

C’est une commune à côté d’Orly où depuis octobre 2021, 150 sans-papiers ou demandeurs d’asile occupent des locaux désaffectés par le Centre d’action Sociale de la ville de Paris. Aucun projet d’utilisation des locaux n’existe et pourtant la municipalité a porté l’affaire devant la justice et le tribunal administratif de Melun a ordonné l’expulsion sans délai du bâtiment en janvier 2022. La raison avancée : la suroccupation des lieux, or les 150 occupants se répartissent dans plus de 90 chambres de cette résidence initialement prévue pour les personnes âgées et les sans domicile fixe. Avec des soutiens dont l’association United Migrants, les personnes s’organisent et interpellent Anne Hidalgo et la Direction Générale du centre d’action sociale de Paris pour demander le maintien des occupant·es et la mise en place d’une convention d’occupation temporaire. Un rassemblement de soutien a eu lieu le 17 mai dernier à Paris pour mobiliser et interpeller. A suivre.

Source : tract d’appel à la manif / asso united migrants

Coup de force de l'extrême droite

L’actualité a beaucoup parlé du maire de St Brévin-les-Pins, commune en face de Saint Nazaire qui devait accueillir un CADA, centre d’accueil pour les demandeurs d’asile. Or ce maire a jeté l’éponge et a même démissionné, début mai, après toute une série de menaces et d’intimidations dont l’incendie de sa voiture. Il est intéressant de rappeler l’historique de cette affaire pour comprendre que les fachos sont de plus en plus en embuscade sur ces histoires de centre d’hébergement car depuis les succès politico-médiatiques du parti zemmourien Reconquête, ils ont le vent en poupe. La décision de faire un CADA remontait à octobre 2021. En mars 2022, un collectif d’opposants se forme avec des riverains et des parents d’élèves de l’école en face du futur centre d’accueil. Les premiers tracts ont tout de suite des relents racistes, assimilant les migrants africains à des voleurs et violeurs. Des mails d’intimidations apparaissent très vite contre les personnes qui ne s’opposent pas au projet municipal. La première manifestation a lieu en octobre 2022 et réunit les opposants locaux qui vont très vite chercher du soutien à l’extérieur. A la deuxième manifestation de décembre, des membres du RN viennent mais très vite, ils sont débordés par les zemmouristes puis les groupuscules d’extrême droite comme l’action française, le rassemblement vendéen ou encore Riposte Laïque qui organisent deux autres manifestations qui, en plus, des menaces permanentes ont eu raison du CADA et du maire. Cette même configuration s’est rencontrée à Callac dans les Côtes d’Armor où le maire a dû aussi abandonner un projet de CADA en avril dernier.

Dans le très chic 16e arrondissement, c’est un autre groupuscule de fachos : « les Natifs » qui a manifesté, le 16 mai, contre l’installation de 400 mineurs étrangers dans une école désaffectée. C’est la deuxième manifestation en à peine un mois. Des célébrités Reconquête viennent se montrer comme Philippe Vardon, conseiller municipal de Nice et Stanislas Rigault, président de Génération Zemmour et membre du Bureau exécutif du parti. Il faut dire que le 16eme est un cadre parfait pour ces bas-du-front tant ce quartier bourgeois est conservateur et raciste, prêt à tout pour conserver son « cadre de vie ». La mairie ne s’y trompe pas et appelle aussi à la fin de l’occupation de l’école Erlanger. Les associations d’aide aux migrants sont vilipendées, en particulier Utopia 56. A ce sujet, le vice-président Les Républicains d’Ile-de-France, Othman Nasrou, a demandé la dissolution d’Utopia 56 sur la chaîne Cnews. C’est à la mode de vouloir dissoudre …   

Source : France info / Bondyblog

Arrivée de la barge à migrants au Royaume-Uni

Nous en avions parlé dans les rubriques précédentes, le gouvernement anglais toujours très inventif dans les mesures contre les migrants avait annoncé un « centre d’hébergement » sur l’eau pour accueillir les demandeurs d’asile. La barge, qui vient d’Italie – ce pays avait déjà expérimenté l’enfermement d’étrangers sur les bateaux – est arrivée début mai. Elle devrait être opérationnelle à partir de cet été dans le port de Portland, au large de la ville de Weymouth (à 250 kilomètres de Falmouth), et pendant 18 mois. 500 hommes y seront parqués dans l’attente de l’étude de leur dossier. Pour rappel les arguments de Rishi Sunak sont de réduire les coûts de logement et de refaire tourner l’industrie de l’hôtellerie. Dans le même temps, l’État anglais annonce vouloir accorder 45 000 visas de travail pour que les saisonniers aillent trimer dans les exploitations agricoles du pays. Les agriculteurs réclament 70 000 visas. Apparemment le coût d’un migrant est à géométrie variable.

Source : Huffingpost, RFI

Actions contre l'opération Wuambushu à Mayotte

Sur les détails de cette opération, son historique dans le contexte géo-politique, lisez avec intérêt l’article sur ce sujet dans ce numéro. Depuis le début de l’opération d’expulsion massive de sans-papiers, des actions de protestation ont lieu partout en métropole aussi. Pour n’en citer qu’une parmi d’autres : début mai à Rennes, le Collectif de soutien aux personnes sans-papiers a occupé pendant trois heures la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) de Bretagne pour dénoncer l’opération Wuambushu à Mayotte et exiger son interruption. Deux semaines avant la DRAC (affaires culturelles) avait aussi été occupée. Dans le communiqué d’action, on peut lire : « nous rappelons que les lieux occupés symbolisent l’État et visent à pallier l’impossibilité actuelle d’occuper la préfecture suite à son déménagement et à sa bunkerisation. Nous nous adaptons. » A bon entendeur, ça va continuer !

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