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CA 331 juin 2023

Royaume Uni : les luttes continuent

vendredi 23 juin 2023, par Courant Alternatif

Après avoir été mis en mode « veille » par les bureaucraties, le temps des négociations avec le gouvernement conservateur, les conflits sociaux ont repris de plus belle au Royaume Uni. Les grévistes doivent se garder des bureaucraties qui négocient au rabais et faire face au gouvernement réactionnaire de R.Sunak (1).


{{Derrière le silence des éditocrates...

Alors qu’en France le mouvement contre la réforme des retraites, rythmé par les centrales syndicales, était suspendu au vote parlementaire d’une motion de censure suite au 49.3, puis à la décision du conseil constitutionnel... de l’autre côté du « Chanel », le mouvement de grève entamé depuis bientôt un an dans de multiples secteurs, continuait de plus belle. En effet, grèves et journées d’actions ont empli les mois de mars, d’avril, mai et devraient se poursuivre en juin pour certains : tels les fonctionnaires du Prospect Union avec ses 32000 membres, qui annoncent des grèves pour le 10 mai et 7 juin. Mais aussi et toujours, les conducteurs des trains en grève les 12 et 31 mai et encore le 3 juin puis les travailleurs de la Poste etc... Mais le silence est de mise dans les média français. C’est vrai que les « éditocrates » étaient accaparés par le couronnement du roi Charles III.

{{Gréve chez les médecins... }}

Des milliers de jeunes médecins (40% du corps médical) et le syndicat BMA -British Medical Association- étaient aussi en mouvement. Ils/elles entamaient dès le mardi 4 avril une nouvelle grève de 4 jours. Leur grève en mars dernier avait obligé le report de quelques 175000 rendez-vous médicaux. Selon les rDerrière le silence des éditocrates...
Alors qu’en France le mouvement contre la réforme des retraites, rythmé par les centrales syndicales, était suspendu au vote parlementaire d’une motion de censure suite au 49.3, puis à la décision du conseil constitutionnel... de l’autre côté du « Chanel », le mouvement de grève entamé depuis bientôt un an dans de multiples secteurs, continuait de plus belle. En effet, grèves et journées d’actions ont empli les mois de mars, d’avril, mai et devraient se poursuivre en juin pour certains : tels les fonctionnaires du Prospect Union avec ses 32000 membres, qui annoncent des grèves pour le 10 mai et 7 juin. Mais aussi et toujours, les conducteurs des trains en grève les 12 et 31 mai et encore le 3 juin puis lesponsables du NHS, (service national de santé), 350000 rendez-vous ainsi que 45000 opérations ont été reportés depuis le début des grèves dans ce secteur. Ces « juniors doctors », occupent près de la moitié des postes de médecins hospitaliers. Certain.es tout juste sorti.es des facultés de médecine, d’autres, praticien·nes en poste depuis plus de 8 ans. Leur syndicat, MBA, affirme que leur rémunération aurait baissé de 28% depuis 2008. Époque où le gouvernement a imposé sa politique d’austérité à l’ensemble des services de santé. Ils/elles demandent 35% de revalorisation salariale. Revendication que le ministre de la santé qualifie « d’irréaliste ». Ils/elles dénoncent aussi, la dégradation de leurs conditions de travail, notamment suite au Covid 19, ainsi qu’une précarité de plus en plus grande dans leur milieu médical. Rappelons que le NHS à connu sa plus grande mobilisation le 6 février 2023 depuis sa création en 1948. Journée d’action qui a vu médecins, infirmières et ambulanciers en grève le même jour.

{{...Mais les soignants ne lâchent rien

Malgré les efforts des bureaucraties pour freiner la combativité des grévistes, ces derniers refusent les accords préalablement acceptés par leurs syndicats. Ainsi les infirmières du RCN -Royal Collège of Nursing- suivies par les ambulanciers du syndicat UNITE refusent (55%) de valider les protocoles qui leur sont soumis. Obligées, les bureaucraties annoncent alors de nouvelles journées de grève de 48 heure dès le 30 avril et 2 mai. Mais, une fois encore ces actions se suivent mais ne rassemblent pas l’ensemble du secteur santé pour gagner contre le gouvernement. Si la responsable du RCN -Royal Collège of Nursing- parle de reconduction des grèves, elle se garde bien d’en fixer les perspectives collectives claires vers un rapport de force victorieux.

{{Des propositions insatisfaisantes

Voici deux mois, les bureaucraties avaient mis, unilatéralement, le mouvement en « mode veille » le temps des négociations tant quémandées. Au vu de ces accords, acceptés par des syndicats de secteurs minoritaires, les propositions du gouvernement ont bel et bien été rejetées par les personnels du NHS (service national de santé). En effet, dirigeants et négociateurs syndicaux du RCN proposaient aux salariés d’accepter 5% d’augmentation pour 2023-2024 suivie d’une prime de 1250 livres (1425 euros) en versement exceptionnel. Une proposition raisonnable pour le ministère, acceptable pour les syndicats mais vécue comme une misère pour les travailleurs·euses confronté·es à une inflation à plus de 14% et à l’augmentation des denrées de première nécessité à plus de 20%. Sans compter la stagnation des salaires sur les quinze dernières années. Rappelons que les revendications demandées par les salarié.es, dans ce domaine, étaient de 14% voire 19% avec les rattrapages des années précédentes. Le manque à gagner pour les soignant·es s’élèverait à 4400 livres (5016 euros) depuis 2008. Victimes de plus de 15 ans d’austérité, les hôpitaux manquent cruellement de personnels. Les régressions salariales, conduisent des infirmières à aller aux banques alimentaires pour nourrir leurs familles ou pour palier à leurs dépenses de base dont le carburant pour se rendre à leur travail.

{{Flottement et incertitudes }}

Un obstacle de plus allait se dresser contre les grévistes et le mouvement qui s’était étendu aux services d’urgences, à l’oncologie et autres services de réanimation.
Chez les infirmier·es, cheminot·es, postier·es... du fait d’une loi anti grève de 2016, quand les salarié.es votent pour une grève, leurs votes ne donnent mandats à leurs syndicats que pour une durée de 6 mois. La grève décidée en décembre, cessant le 1er mai, un nouveau processus référendaire devra être mis en place par les organisations syndicales du NHS. Celles-ci devront re-consulter leurs adhérent·es. Telle est l’opportunité juridique saisie par le ministre pour bloquer la lutte. Inflexible sur sa politique salariale, le ministre de la Santé déclare : « Les travailleurs devraient accepter l’accord du gouvernement et du RCN. L’offre est juste et raisonnable ». Devant le refus des salariés, le ministre de la Santé, intransigeant, attaque les grévistes et leurs représentants devant la haute cour. Le RCN ayant appelé à la grève pour 48 heures dès le 30 avril, dans le respect de la loi, le ministre conclut que la période des 6 mois de grève déclarée depuis décembre a expiré et donc rend illégale la journée de grève du 2 mai.
Mi-mai, le RCN organisera un scrutin statuaire pour poursuivre ou non les grèves dans les six mois à venir. De son côté, le conseil des personnels du NHS (14 syndicats) devra décider s’il entérine ou pas les propositions gouvernementales. Si les syndicats récalcitrants restent minoritaires au conseil, le gouvernement envisage, après l’acceptation de ses offres par les autres organisations syndicales, d’imposer au RCN et à UNITE et à tous : l’offre salariale. L’opportunité « juridique » et la pression légale du ministre est discrètement appréciée par les bureaucraties qui espèrent gagner du temps et faire accepter les propositions gouvernementales. Mais, il est à craindre que suite à l’éparpillement, l’inefficacité des journées de grève décrétées depuis bientôt un an par leurs syndicats, les salarié·es ne se lassent et ne se détournent des luttes. Plutôt que de s’appuyer sur des mobilisations d’ensemble, la bureaucratie implore encore le gouvernement. « Après une pause de 3 mois, la grève du personnel infirmier reprend malheureusement ce soir. Seules les négociations peuvent résoudre ce problème et j’exhorte le ministre... » déclarera la responsable syndicale du RCN. Puis démagogue, tout en saluant les soignants et « la plus grande grève à ce jour », elle a menacé de sanctions certains de ses membres.

{{Bureaucratie contre syndiqué.es

Des soignant·es avaient auparavant mis en ligne une pétition demandant une assemblée générale en urgence et lançaient dans le même temps une motion de défiance contre leurs responsables. Les leaders désavoué·es envisageaient de faire appel à la police pour enquêter sur l’origine et les initiateurs·trices de la pétition et les menaçaient de suspension ou de révocation. Suite à la décision de la haute cour, face à la colère et aux rejets des accords, les leaders syndicaux espèrent toujours faire accepter « les offres » aux salarié·es en s’appuyant aussi sur l’acceptation des accords par d’autres syndicats du secteur : UNISON, GMB ou le syndicats des sages-femmes qui ont réussi à faire accepter ces propositions à leurs membres.
Contre l’alliance objective entre la bourgeoisie réactionnaire au pouvoir et la bureaucratie, la contestation des travailleurs·euses contre leurs responsables prendra-t-elle assez d’ampleur pour permettre aux salarié.es de reprendre la direction de leurs luttes par des comités de base et des assemblées générales décisionnelles ? Si les grévistes ne veulent pas voir leurs luttes, leurs journées de grève dilapidées par des bureaucraties il ne semble pas y avoir d’autre issue.
« C’est la forme organisatoire elle-même qui rend les masses à peu près impuissantes et qui les empêche de faire du syndicat l’instrument de leur volonté. La révolution ne peut vaincre qu’en détruisant cet organisme, c’est à dire en bouleversant de fond en comble cette forme organisatoire afin qu’il en sorte quelque chose de tout à fait autre... » Herman Gorter en Réponse à Lénine sur -la question syndicale- « La maladie infantile du Communisme ». (1920).

MZ 15 05 2023

Notes
1...lire Courant Alternatif N°327 de février 2023 et N°329 d’Avril 2023.

Regard sur les TUC : Trades Union Congress et le parti travailliste

« ...et en rendant de ce fait l’existence possible à la classe ouvrière, le mouvement syndical s’est mis à remplir un rôle dans le capitalisme et il est devenu lui-même de cette manière un membre de la société capitaliste....Herman Gorter en Réponse à Lénine sur -la question syndicale-  : « La maladie infantile du Communisme » (1920)

Premier pays à entrer dans la révolution industrielle, on peut considérer alors le Royaume Uni comme le berceau du syndicalisme.
1720 les premières « Unions ». Il s’agit alors pour les tailleurs, couteliers de Londres et d’ailleurs, de revendiquer de meilleurs salaires aux patrons d’ateliers.
1826. Ces Unions seront officialisées. Cet « unionisme » naissant s’imbriquera avec le capitalisme naissant lui aussi et s’accommodera avec la puissance impériale et coloniale de la Grande Bretagne. Ainsi au fil du temps, et de l’intégration au système, les forces négociatrices supplanteront les tendances socialistes, révolutionnaires en son sein.
1868, l’ensemble des Unions se fédèrent et donneront naissance au TUC : Trades Union Congress.
1874, dépassant le cadre syndical, des députés ouvriers se font élire à la chambre des communes (le parlement).
1906, 29 députés « ouvriers » siègent à la chambre des communes sous l’appellation de « Labour Party » (Parti Travailliste). Au Royaume Uni, appuyées par les puissantes Unions des mineurs, dockers, cheminots... c’est le syndicat acquis aux idées socialistes de l’époque, qui créera le parti travailliste. Les TUC en seront les bailleurs de fond.,
1921, 1926, 1932... des tentatives de grèves générales échoueront. Déjà les leaders du TUC, préféreront négocier avec les gouvernements conservateurs au pouvoir. Des Gouvernements réactionnaires qui en profiteront pour restreindre les droits syndicaux.
1945-1951, l’après-guerre, les travaillistes accèdent au pouvoir à leur tour. Les TUC compteront alors jusqu’à 9 millions d’adhérents en 1948. Une période de nationalisations : Banque d’Angleterre, chemins de fer, Mines etc... Malgré tout, des grèves sauvages éclatent telle celle des mineurs en 1947.
1972, la grève de 2 mois des mineurs fera chuter le gouvernement conservateur.
1979, Margaret Thatcher « la dame de fer » accède au pouvoir.
1984, elle décide la fermeture de puits notamment au Pays de Galles. Les mineurs menacés se mettent en grève, celle-ci durera un an. La Première ministre sera inflexible et dans un climat de quasi guerre civile, n’hésitera pas à envoyer la police et l’armée pour casser la grève et mater mineurs et syndicats -qu’elle détestait-. Dans cette lutte d’un an, les mineurs seront isolés, délaissés des leaders des TUC et le parti travailliste saura se tenir à distance.
1995. Lors d’un congrès, le parti travailliste enterre par 65% des voix contre 35% la clause IV des statuts rappelant : « La propriété commune des moyens de production, de distribution et d’énergie ». Un texte adopté et qualifié de « Rouge » en 1918 après la révolution d’octobre en Russie. Ce positionnement : l’abandon de la guerre de classe vers la sociale démocratie, accompagnera la prise de pouvoir du parti par Tony Blair.
1997/ 2007. Son ascension sera facilité par le leader des TUC : J. Monks désireux lui aussi de transformer le syndicalisme britannique. T. Blair, réduira l’emprise des TUC dans le parti « aux traditions quasi marxistes ? » pour réconcilier le « New- Labour Party » avec les milieux d’affaires. Il poursuivra la politique orthodoxe et libérale de M.Thatcher : austérité et rigueur salariale au Royaume Uni et agression militaire à l’extérieur, notamment en Irak.
Aujourd’hui, avec la perspective d’un retour aux affaires du New- Labour Party, on comprend que les bureaucraties syndicales des TUC se garderont bien de gêner par les luttes des travailleurs, les leaders du Parti travailliste donnés vainqueurs aux prochaines élections législatives nationales mi 2024. D’autant plus que, suite à l’effondrement électoral des conservateurs au scrutin du 4 mai 2023 pour le renouvellement des « conseils de district », le parti travailliste l’emporte largement.
MZ 15 05 2023

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