CA 334 novembre 2023
dimanche 19 novembre 2023, par
Le tenue d’un nouveau camp No Border en septembre dans le nord de la France nous offre l’opportunité de faire un point rapide sur la situation endurée par celles et ceux qui tentent toujours de traverser la Manche afin de gagner l’Angleterre. Les précédentes éditions avaient pour lieu de rassemblement la ville de Calais, aux abords de laquelle se concentraient des campements de fortune dans lesquels s’amassaient des milliers de candidats à la traversée. Depuis quelques années, si le décor n’a pas changé, la situation a profondément évolué. Calais demeure une ville ceinturée de 70 kilomètres de grilles coiffées à leur sommet de barbelés ; une agglomération à l’allure de camp retranché, sillonnée jour et nuit par des dizaines de camions de CRS.
Mais, à mesure que les opportunités de passage se sont réduites, Calais a perdu de sa centralité. Les « migrants », comme les appellent les médias, se sont progressivement dispersés le long de la côte tandis que le système de surveillance et de répression tentait à son tour de s’adapter. Désormais, plusieurs navires : remorqueurs, Affaires maritimes, etc., mouillent à quelques centaines de mètres du rivage afin d’intervenir et de parer toute tentative de départ depuis les plages, et parfois de secourir les rescapés. Depuis un an, un avion ainsi que des drones survolent en permanence la zone à basse altitude ; des véhicules tout terrain de la gendarmerie déambulent sur les plages au milieu des promeneurs ; des camions de CRS stationnent sur les falaises la nuit ; des gendarmes randonnent dans les dunes …
Malgré cela, par beau temps et en une seule journée de juillet, plus de 800 personnes parviennent à gagner les côtes anglaises à bord d’une quinzaine d’embarcations. Pour cette seule année 2023, le nombre total d’arrivées par bateau de l’autre côté de la Manche s’élève à 20 973. L’année 2022 a enregistré un record avec 45 000 traversées réussies. La technique de passage la plus courante consiste à lancer des embarcations d’un point A de la côte jusqu’à un point B, là où les attendent les passagers potentiels. Ces points changent en permanence et l’embarquement se fait en mer, à plusieurs dizaines de mètres de la rive. Comme on l’imagine aisément, les conditions sont hasardeuses et dangereuses, et les catastrophes se succèdent…
Ces derniers jours, plusieurs tentatives de départ réunissant près de 150 personnes ont eu lieu depuis les plages du Quend, sous le Touquet, dans la Somme. Pour esquiver les patrouilles de surveillance, les zones de départ se déplacent de plus en plus au sud. En Normandie aussi, autour de Ouistreham, de plus en plus de migrants tentent leur chance via le ferry.
Source : La Mouette enragée,
Boulogne-sur-Mer, le 06/09/2023
Nous en avions parlé dans ces colonnes, il y a plus d’un an, des militants proches des No Border et rassemblés dans le collectif « Calais, logements pour tous.tes » avaient lancé une campagne d’ouverture de squats pour les migrants, dans un contexte où l’Etat mène une politique de la terre brûlée en éliminant systématiquement tous les débuts de campement. Les revendications du collectif sont les suivantes : « l’arrêt des expulsions de campements de migrants toutes les 48 heures », « la fin du harcèlement des personnes bloquées à la frontière par la police », « la régularisation de tous les squats de la ville », « la réquisition immédiate de tous les bâtiments vides ». A ce jour, un lieu occupé tient toujours au niveau de la rue Frédérique-Sauvage. Une deuxième occupation avait aussi retenu l’attention : celle d’une tour d’immeuble vide dans la cité HLM de Fort-Nieulay. La tour était vouée à la destruction, des militants en avaient profité pour commencer une occupation qui n’avait duré que quelques jours, mais qui avait permis une belle convergence de terrain entre les habitants de ce quartier délaissé par l’Etat et la solidarité avec les migrants. Il y avait eu de l’aide mutuelle et un soutien de fait quand les flics avaient déboulé pour tout virer. Les moyens policiers étaient disproportionnés, comme souvent : hélicos, beaucoup de CRS et même l’intervention du RAID pour expulser les derniers occupants. La tour avait été assiégée, personne ne pouvait sortir ou rentrer. Il y avait eu des affrontements et des arrestations. Une quinzaine en tout, avec 4 personnes placées en garde à vue et poursuivies pour « violences sur personne dépositaire de l’autorité publique ». En première instance au tribunal, la procédure a été annulée pour nullité, mais le parquet a fait appel de la décision. En juin dernier, l’audience a eu lieu à la cour d’appel de Douai et, cette fois-ci, il y a eu des condamnations : 2 personnes sont condamnées à 10 mois de prison avec sursis et 500 € de dommages et intérêts par flic (3 flics chacun) ; une autre écope de deux mois de sursis et 500 € de dommages et intérêts, et la dernière est condamnée à 200 jours-amendes à 1 € et à nouveau 500 € de dommages et intérêts. S’ajoutent à cela les frais de justice et le paiement solidaire de l’avocat des policiers. Pour contester la décision, un pourvoi en cassation a été lancé. A suivre.
Source : Communiqué des personnes interpellées et de leurs soutiens
Nous vous faisions part, dans l’avant-dernier Courant alternatif, du projet de destruction-rénovation du foyer Branly, et notamment de l’envoi de vigiles. Depuis, la lutte continue et la résistance s’organise. Lorsque l’entreprise est arrivée pour commencer les travaux de démolition, elle a dû faire constater par huissier qu’elle en était empêchée – par deux fois. Tout l’été, les soutiens se sont relayés pour assurer une présence tous les matins au cas où elle reviendrait. Cependant, des plots bloquent le parking, empêchant l’intervention des pompiers, et de superbes arbres ont été marqués pour être abattus. La mairie de Montreuil a continué sa campagne de communication sur le thème du « vivre ensemble » (c’est-à-dire sans trop de foyers, évidemment !), mais elle a été très gênée par le travail d’information du comité de soutien et des résidents : pas un événement sans tract de Branly ! Elle a donc dû faire un geste, et promis d’appuyer la présence des résidents au prochain comité de pilotage – des résidents qui ont été reçus par quelques collaborateurs de la mairie en juin. La campagne de communication continue : on a appris par voie de presse que les résidents étaient invités au comité de pilotage et que le dialogue avait été rétabli. Mais, depuis, ce comité de pilotage a été annulé et nul ne connaît la date de sa prochaine réunion. Une manifestation a eu lieu le 11 août, et a réuni plus de 500 personnes, ce qui n’est pas si mal pour un jour de semaine à cette date et à Montreuil. Bien sûr, la ville et notamment les associations fourmillent de rumeurs sur le foyer vecteur de polygamie (dans un logement d’hommes seuls à plusieurs par chambre !), d’excision (je croyais que ça concernait les femmes ?), de trafics (pour le trafic d’épis de maïs, je confirme), de prostitution, de pesanteur patriarcale… Quel rapport avec le droit à un logement décent ? Ça s’appelle comment, déjà, la doctrine politique qui justifie qu’une population supposée inassimilable soit traitée en paria, sans droits et soumise à l’arbitraire ? En attendant les choses sérieuses, à savoir négociations ou destruction de force, les argumentaires se précisent et les résidents étoffent leurs revendications. Un collectif de sans-papiers a été créé. A ce jour, le 19 octobre, les travaux n’ont pas encore commencé. La suite dans un prochain numéro.
Source : Communiqué du collectif + présence militante
Le 17 octobre, un grand mouvement de grève a été coordonné sur les chantiers des Jeux olympiques mais aussi ceux du Grand-Paris (qui sont liés) ainsi que sur d’autres sites de logistique, de ramassage de déchets ou de nettoyage en Ile-de-France. Il y a eu plus de 200 grévistes et des soutiens nombreux. A plusieurs endroits, il y a eu des piquets de grève, comme devant l’Arena Adidas au niveau de la porte de la Chapelle. Les ouvriers souvent d’origine africaine travaillent tous pour des boîtes d’intérim pour des groupes plus gros comme Bouygues – qui au passage se défausse des responsabilités. Ils travaillent en utilisant des « alias », ce qui consiste à emprunter l’identité d’une autre personne, en règle. La pratique est courante et arrange bien les employeurs, mais il n’y a pas de promesse de régularisation. Grâce à cette grève spectaculaire et à une coopération entre plusieurs syndicats et collectifs (CSP75, Droits devant, Gilets noirs, CSPM, CSP20, CNT-SO), les négociations ont eu lieu dans la foulée, et des formulaires Cerfa ont été fournis pour permettre la demande de régularisation. La route est encore longue mais, à l’approche des grandes échéances sportives, le rapport de force a changé. Face à l’urgence des travaux – tout doit être prêt pour le 26 juillet prochain –, c’est le bon moment pour lutter. En plus des Cerfa, plusieurs travailleurs sans-papiers ont été réembauchés par 3 sous-traitants qui avaient voulu les écarter car trop revendicatifs. Dans leur victoire, les personnes mobilisées ont rappelé d’autres luttes de régularisation qui sont souvent très longues et fatigantes : Chronopost, DPD, ou plus récemment Emmaüs à Saint-André-lez-Lille. En attendant la prochaine loi immigration voulue par Darmanin, c’est la circulaire Valls de 2012 qui s’applique et qui conditionne la régularisation des travailleurs sans-papiers à 24 fiches de paie, une promesse d’embauche et un justificatif de trois ans de présence sur le territoire français.
Source : La Marche des solidarités + communiqué des grévistes
Le 19 octobre dernier, 2 000 personnes ont été évacuées d’un terrain appartenant au port de Dunkerque. Il y avait beaucoup de familles (au moins 50) et des mineurs non accompagnés (plus de 200). Seulement 5 bus étaient affrétés pour proposer des centres d’hébergement – les CAES (Centres d’accueil et d’examen des situations). Dans la région, de l’aveu même des autorités, ils sont tous pleins, ce qui fait que les personnes expulsées ont zéro répit et se retrouvent privées de leurs affaires (tente, etc.) dans des conditions météorologiques qui se dégradent avec l’arrivée de l’automne. D’autres grosses évacuations ont eu lieu ailleurs, comme à Calais (300 personnes) et à Paris.
En complément de cette répression de terrain, Darmanin prévoit, avec son projet de loi sur l’immigration, une forte augmentation des places de rétention dans les CRA. D’ici 2027, l’objectif est de les doubler pour atteindre 3 000 ! Les emplacements de ces nouvelles prisons pour sans-papiers ont été dévoilés, il y en a 11 à : Dijon, Oissel, Nantes, Béziers, Aix-en-Provence, Goussainville, Nice, Olivet, Mérignac, dans le Dunkerquois et à Mayotte. Sur le site des marchés publics, les appels d’offres pour les maîtrises d’ouvrage ont été déposés… Pour rappel, 15 922 personnes ont été retenues l’an dernier en métropole, et 27 643 en outre-mer, selon le rapport annuel des associations de défense des migrants. Depuis 2012, Paris a notamment été condamné 11 fois par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) pour avoir détenu des enfants en CRA.
Source : Infomigrants
Le 10 octobre, un arrêté préfectoral interdisait la distribution de nourriture dans des zones précises et délimitées des 10e et 19e arrondissements pour une durée de 1 mois. Les motivations avancées sont que cela « stimule la formation de campements » et provoque des « attroupements et de possibles débordements ». Dans la foulée, un recours au tribunal administratif a été déposé par plusieurs collectifs – Utopia56, LDH, la fédération des acteurs de la solidarité. Le TA de Paris a suspendu l’arrêté. Mais, derrière ce coup foireux de la préfecture, les associations redoutent une multiplication de ce genre d’interdictions en lien avec les futurs JO. Des arrêtés du même type ont existé à Calais entre 2020 et 2022.
Source : Infomigrants
Après trois ans de fermeture par la préfecture, 4 points de passage sur la frontière franco-espagnole vont être rouverts le 30 octobre. Il s’agit du pont de Marchandises et des Aldudes à Hendaye, du col d’Ispéguy et du pont de Larrau à Saint-Etienne-de-Baïgorry. Ce sont les scories d’une mesure de 2021 où une quinzaine de points de passage avaient été fermés par manque de moyens pour la surveillance (police, gendarmerie, douanes, mission Sentinelle). Depuis, 8 demeuraient fermés : 4 au Pays basque et 4 dans les Pyrénées-Orientales, zone non concernée par la réouverture. Suite au sommet de Barcelone, il y a neuf mois, entre les Etats espagnol et français, des brigades mixtes franco-espagnoles ont été créées. La réouverture de ces passages n’est donc pas forcément une bonne nouvelle, car la militarisation de la frontière se renforce. Pour rappel, la chasse aux sans-papiers a provoqué plusieurs tragédies à cette frontière : au moins 12 personnes y ont péri entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2022, notamment au niveau de la rivière de la Bidassoa, frontière naturelle entre l’Espagne et la France.
Source : Infomigrants
C’est un réseau international de lignes téléphoniques d’urgence tenues par des volontaires pour assister les personnes qui se retrouvent en situation de détresse, comme lors d’une traversée. Il fonctionne 24h/24, toute l’année. Les bénévoles opèrent non seulement en Europe, mais aussi en Afrique du Nord et en Afrique de l’Ouest, et ils travaillent de plus à documenter les violations des droits humains pour dénoncer les politiques aux frontières. Alarmphone existe depuis 2014 et il a déjà assisté 7 000 bateaux. Cela coûte beaucoup d’argent, car les communications – que les migrants font par exemple avec des téléphones satellites – sont prises en charge financièrement par Alarmphone. En 2022, la facture s’élevait à 143 800 euros et, en 2023, la minute de communication avec un téléphone satellite est d’environ 8 euros. En moyenne, cela représente par jour une somme de 500 euros à gérer avec des dons. Pour les soutenir, rendez-vous sur :
https://www.helloasso.com/associati...