CA 344 novembre 2024
jeudi 28 novembre 2024, par
Au foyer des Amandiers dans le 20e arrondissement de Paris, M. Djibi Niabali, ouvrier immigré retraité de plus de 80 ans résidant là depuis 1983, a été expulsé par la police parce qu’il hébergeait son fils. Le lendemain, une quarantaine de résidents étaient présents dans le hall du foyer, accompagnés par des voisins et associations solidaires du quartier. Une assemblée générale s’est tenue pour discuter de la politique d’expulsion d’Adef, le bailleur social. Un rendez-vous a été donné à 14 h 30 pour accueillir le responsable de son site et lui demander d’appeler la direction pour qu’elle vienne dialoguer avec les résidents en colère. A la vue de la foule qui l’attendait dans le hall, ce responsable a préféré tourner les talons et appeler la police sans tenter de comprendre ce qui se passait. Quelques minutes plus tard, quatre policiers et policières sans signe distinctif sont venus tenter d’intimider les résidents en colère et menacer d’emmener M. Niabali en garde à vue, car il aurait commis une infraction en retournant dans son logement après l’expulsion. Les revendications des résidents sont : la réintégration de M. Niabali dans sa chambre, avec signature d’un nouveau contrat en attendant le passage du contrat au nom de son fils dès que celui-ci sera régularisé ; l’arrêt des expulsions et contrôles pour hébergement ; d’autres réintégrations, notamment de M. Mamadou Sy, autre retraité expulsé il y a quatre mois lors d’une courte visite au pays ; la discussion des autres expulsions récentes du foyer ; la mutation du gérant actuel l’arrêt du flicage par les techniciens venant réparer des pannes et qui se permettent de photographier et filmer les chambres à l’insu des résidents ; l’arrêt de la double facturation de la réparation des matériaux ou équipements en panne ou hors usage, les résidents paient déjà une « prestation mobilier » chaque mois dans leur redevance, Adef se permet de facturer en plus et au prix cher n’importe quel remplacement de matériel ; la discussion sur tous ces points avec le directeur général d’Adef Habitat, M. Dominique Bourgine. Après trois jours de mobilisation des résidents, des soutiens et du quartier, et un passage dans les médias, Adef est enfin venu négocier et a accepté la réintégration de M. Niabali et de son fils (sans contrat signé pour le moment), suspendu les procédures en cours contre 70 résidents, promis d’examiner au cas par cas la situation des résidents déjà expulsés, promis la mutation du gérant et promis pour la énième fois de cesser les doubles facturations. Une victoire donc, mais seulement partielle.
Source : COPAF
Pour rappel, ce sont près de 200 travailleurs sans-papiers en lutte depuis décembre 2021 contre un système de sous-traitance en cascade pour le compte de Chronopost, une filiale de La Poste. Ils tiennent un piquet de grève devant l’agence d’Alfortville (sud-est de Paris) et reçoivent le soutien de syndicats (Sud) et d’un collectif de sans-papiers (le CTSPV). Le 5 décembre 2023, La Poste – la maison mère – est condamnée par le tribunal judiciaire de Paris pour non-respect de son devoir de vigilance sur l’utilisation de la sous-traitance. Mais depuis le début de la lutte, la préfecture du Val-de-Marne n’a accepté de recevoir que 32 dossiers, et n’a accordé que 15 régularisations, dont 4 pour les grévistes Chronopost. Les 9 et 27 août, sous prétexte des Jeux olympiques (qui ne se tenaient pas dans le Val-de-Marne), la préfecture prenait des arrêtés d’interdiction des manifestations des travailleurs sans-papiers. Pour la dernière date, la préfecture s’est fait condamner par le tribunal administratif de Melun, saisi en référé, pour atteinte au droit de manifester. La dernière manifestation a eu lieu le 18 octobre. En plus des revendications de régularisation, les mots d’ordre se sont dirigés contre le souhait du gouvernement Barnier de refaire une énième « loi immigration ».
Source : tracts de lutte
Dans ces colonnes, nous avions longuement évoqué le cas anglais avec le projet d’envoyer les demandeurs d’asile au Rwanda. Après plusieurs remous juridiques, et surtout un coût prohibitif (280 millions d’euros), le projet a été abandonné par le nouveau gouvernement travailliste – qui au passage compte bien lutter contre l’immigration « irrégulière » par d’autres manières. L’idée d’externaliser les demandes d’asile vers un pays tiers est reprise par le gouvernement néo-mussolinien de Meloni, qui a signé l’année dernière un accord bilatéral avec l’Albanie pour sous-traiter ces démarches administratives et possiblement accueillir 36 000 demandeurs. Pourquoi l’Albanie ? Parce que le gouvernement social-démocrate d’Edi Rama rêve de rejoindre l’UE et ça ne coûte rien car tout est pris en charge par l’Italie. Un centre de rétention de 880 places (dans des conteneurs !) est construit et ça fait travailler la population locale. A l’écriture de ces lignes, le premier convoi de sans-papiers y a été envoyé. Ce sont 16 migrants secourus en mer par les autorités italiennes qui viennent d’Egypte et du Bangladesh. La nationalité de ces personnes peut surprendre – absence d’Africains alors que c’est une part importante des migrants – car l’accord ne concerne que des migrants jugés « non vulnérables », c’est-à-dire venant d’un pays dit sûr où les renvois sont possibles. Une liste de 21 pays « sûrs » a été établie, comprenant le Bangladesh, l’Egypte, la Côte d’Ivoire et la Tunisie. L’année dernière, plus de 56 000 migrants sont arrivés en Italie en provenance de ces quatre pays. Les démarches administratives de demande d’asile se feront par visioconférence avec la Péninsule. Un grand délire ! Mais voilà que l’on apprend que les 16 migrants sont renvoyés en Italie car la justice doute de leur caractère « non vulnérable ». Attendons de voir la suite, mais le passage de quelques décrets devrait permettre cette déportation voulue ardemment par Meloni. Cela semble un gros coup de com’ pour satisfaire son électorat xénophobe, quand on sait que ce mécanisme coûte des millions : 65 millions d’euros pour la construction du camp et 160 millions par an pour le fonctionnement (transport, personnels, équipements, etc.). Autre obstacle, les détenus ne peuvent l’être plus de quatre semaines en Albanie, et donc il faudra prévoir des allers-retours sur la mer Adriatique.
Qu’à cela ne tienne, l’idée d’externaliser les demandes d’asile hors UE via des « hubs de retour » fait son chemin parmi les 27 Etats-membres, car le sujet a été débattu lors du sommet de Bruxelles à la mi-octobre. Tous les gouvernements sont d’accord pour « gérer les migrants en situation irrégulière », notamment pour durcir la directive « retours » de 2008 qui harmonise les règles de reconduite à la frontière mais qui est jugée trop laxiste. Parmi eux, 15 pays proposent d’explorer « de nouvelles solutions », dont le transfert de demandeurs d’asile vers des pays tiers. Il s’agit de la Bulgarie, la République tchèque, le Danemark, la Finlande, l’Estonie, la Grèce, l’Italie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, Malte, les Pays-Bas, l’Autriche, la Pologne et la Roumanie – des pays majoritairement d’Europe de l’Est et/ou dirigés par l’extrême droite. L’Allemagne juge cette « solution » pas adaptée pour les grands pays, tandis que Macron pour la France rejette aussi le projet mais dans un contexte politique de tension avec le gouvernement Barnier/Retailleau qui veut chasser en terre RN.
Source : Le Monde
Ce sont des mineurs non accompagnés en lutte depuis un an sur Paris. Fort de leur énergie, de leur détermination et de leurs soutiens (associatifs, politiques, habitants), ils ont joué les trouble-fêtes lors d’une porte ouverte à la mairie de Paris, le 12 octobre dernier, et ont obtenu l’hébergement immédiat de 200 mineurs isolées ainsi que d’une dizaine de familles avec des jeunes enfants. L’action faisait suite à un courrier envoyé par le collectif à la municipalité le 20 septembre et resté sans réponse. Quoi de mieux que d’aller la demander directement ! Le logement d’urgence se fait dans des gymnases réquisitionnés, mais la vigilance reste de mise pour la suite et la lutte continue. Le collectif demande à être reçu par la mairie. La suite est dans leur communiqué : « Afin de traiter la question de l’accueil, de l’école, de la santé et de la mobilité, il faut sortir du déni et créer des structures solides pour pérenniser des moyens à la hauteur des enjeux. Nous sommes un des seuls collectifs parisiens qui fait exister politiquement la situation des mineur.es isolé.es, nous obtenons depuis un an des centaines de places d’hébergement et un accès massif à la scolarisation. Cette situation exige que la mairie nous reconnaisse comme des interlocuteur.ices de premier plan concernant les questions de solidarité, d’hébergement et de lutte contre les discriminations.
Nous avons aussi d’autres revendications auxquelles la mairie ne donne pas suite, malgré un début de dialogue avant l’été. Nous demandons notamment l’accès à un pass Navigo, comme pour tou.tes les mineur.es de Paris. Nous voulons aussi que notre accès à l’école soit facilité : pour les jeunes à la rue, il est impossible de produire un certificat d’hébergement, pourtant nécessaire à l’inscription. Enfin, nous voulons discuter des conditions précaires d’hébergement dans les gymnases et de leur gestion qui se fait toujours sans que nous soyons consultés. »
Source : Collectif des jeunes du parc de Belleville. Pour les soutenir, faites un don sur https://www.helloasso.com/associati...
C’est la conséquence d’une décision prise par la préfecture de Haute-Garonne, mi-octobre contre l’occupation d’un bâtiment depuis mars. Les mineurs isolés et leurs soutiens sont organisés au sein du collectif AutonoMIE (pour mineurs isolés étrangers). Il y a déjà eu des précédents : en février dernier, un amphi de la fac Paul-Sabatier avait été momentanément occupé puis expulsé. Avant la décision d’expulsion rendue par la justice, une manifestation a eu lieu devant le conseil départemental mais ça n’a rien changé. Espérons que le rapport de force se maintienne et se renforce pour obtenir des petites victoires comme à Paris (voir les mineurs isolés de Belleville).
Source : Révolution permanente
C’est la Journée internationale des migrant-es et il y a traditionnellement des manifs, notamment sur Paris. La coordination se fait par la Marche des solidarités, qui réunit des collectifs de la France entière. Un appel à cette journée est en cours de rédaction et sera rendu public à partir du 29 octobre. La volonté est de se donner les moyens pour que le nombre et l’ampleur des mobilisations soient à la hauteur des enjeux actuels : les effets de la loi Darmanin, la préparation d’une nouvelle « loi immigration » à la sauce Retailleau, le racisme d’Etat de plus en plus assumé avec un RN faiseur de roi et pratiquement au pouvoir. Plusieurs coordinations existent : celle des mineurs isolés en lutte, qui se réunit chaque 1er jeudi du mois et qui rassemble plusieurs localités (Paris, Lille, Clermont-Ferrand, Marseille) ; celle des assemblées de quartier antiracistes et antifascistes qui existent dans plusieurs villes, comme Paris, Rennes ou Marseille. Une délégation constituée de membres de plusieurs de ces assemblées va se rendre à Londres samedi 26 octobre pour participer à une mobilisation organisée par Stand Up to Racism afin de riposter à un appel à manifester dans les rues de Londres lancé par les fascistes – derrière la figure fasciste Tommy Robinson. Si vous souhaitez rejoindre cette coordination, contactez-les par mail : marche-des-solidarites@riseup.net
Source :
La Marche des solidarités
La Korrika est une course à pied d’environ 2 700 kilomètres qui parcourt tout le Pays Basque (nord et sud), pendant 11 jours et 10 nuits, pour la défense de l’identité basque dont la langue. Elle a lieu tous les deux ans et réunit des milliers de participant-es. Cette année fut l’occasion d’une action de désobéissance civile d’une vingtaine d’organisations qui a revendiqué le passage de la frontière par 36 exilés lors du parcours entre Irun (Espagne) et Bayonne (France). Identifiées par la diffusion d’une vidéo de revendication, 7 personnes ont été convoquées au comico de Bayonne et sont ressorties avec une autre convocation pour l’audience judiciaire le 28 janvier prochain. Ces militants sont issus du syndicat LAB, de la Bidasoa Etorkinekin – une fédération d’associations d’aide aux migrants –, mais aussi des partis politiques EH Bai (gauche basque) et La France insoumise. Le soutien est conséquent, comme souvent au Pays Basque. Près de 80 organisations ont apporté leur soutien aux 7 inculpés, et organisé une manifestation le 30 septembre dernier. Un appel exige « l’ouverture définitive des frontières (...) afin de garantir la libre circulation de toutes et tous ». Pour la petite histoire, La France insoumise des Pyrénées-Atlantiques n’a pas voulu signer l’appel mais a participé à la manifestation. Juridiquement, l’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers constitue bien un délit dans la loi française, selon le CESEDA (code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile). Mais s’il n’y a pas de « contrepartie directe ou indirecte » ou si l’aide est apportée « dans un but exclusivement humanitaire », aucune poursuite ne peut être engagée. C’était tout l’objet du débat public autour du « délit de solidarité » ouvert en France en 2017 par l’agriculteur solidaire des exilés Cédric Herrou.
Sources : Rapports de force,
MediaBask
La société d’intérim RSI, spécialisée dans le bâtiment, est accusée d’avoir fait du travail dissimulé. Plus de 30 travailleurs sans-papiers se sont portés partie civile fin septembre, mais le jugement de l’affaire est renvoyé aux 29 et 30 avril prochain. Une manifestation de soutien a eu lieu devant le tribunal pour réclamer aussi la régularisation des travailleurs de RSI. Ce mouvement de grève dure depuis 2021. Sur 83 grévistes, seuls 26 sont actuellement régularisés.
Source : Le Parisien
Après le décès d’un homme âgé de 27 ans, le 18 octobre, une grève des détenus est survenue consistant à refuser de regagner les cellules. D’après les témoignages des enfermés, les flics ont mis du temps à venir en aide à cette personne. Quelques jours plus tôt, il y a eu une tentative de suicide d’un retenu, là encore avec un gros retard d’intervention des geôliers – plus de 45 minutes ! Cela rappelle les conditions atroces de rétention, portée à 90 jours avec la loi Darmanin de janvier dernier et avec des annonces du nouveau premier flic de France, Bruno Retailleau, d’allonger l’enfermement à 210 jours. Pour rappel, en 2023, seul un tiers des retenus du Mesnil-Amelot ont finalement été renvoyés dans leur pays. A bas les CRA !
Source : L’Envolée. Voir aussi le blog « A bas les CRA »