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CA 326 Janvier 2023

Sans Frontières de CA 326

mercredi 25 janvier 2023, par Courant Alternatif


*** 18 décembre :    journée internationale des migrants

Cette date a été décrétée par l’ONU suite à l’adoption de la Convention Internationale pour la protection des Droits de tous les travailleurs migrants et de leur famille, proclamée en 1990. Elle est effective depuis mars 2003 mais elle n’a été ratifiée par aucun pays européen… Le contexte de cette année était particulièrement peu propice pour mobiliser les foules : un froid de canard ; le premier week-end des vacances scolaires ; sans oublier la coupe du Monde au Qatar qui résume à elle seule l’hypocrisie des États face aux migrations : ces travailleur-euses sont vitaux pour les économies mais on les invisibilise et on ne régularise surtout pas pour mieux les exploiter … jusqu’à la mort !   

Il y a eu une cinquantaine de manifestations soit le samedi ou le dimanche, dont voici une tentative de typologie :

  • les rassemblements et les manifestations « classiques » dans les centres de moyenne ou grande villes comme à Bayonne où de nombreuses associations, syndicats et partis politiques avaient appelé, mais la moisson a été maigre avec une petite centaine de manifestant-es. Même scénario à Lyon, à Nantes, où en pleine finale de foot quelques centaines de personnes ont défilé dans des rues désertes – sauf au niveau des terrasses des cafés.
  • des mobilisations en lien avec un tissu de migrant-es et de soutiens, comme en Ariège dans un petit village paumé : Le Carla Bayle où se situe un CADA (centre accueil de demandeurs d’asile). Une marche des flambeaux a réuni plus de 300 personnes dont beaucoup de migrant-es en famille ; après une marche festive en fanfare, il y a eu un repas partagé, des prises de paroles et des animations culturelles. Le pari de rompre l’isolement et d’afficher un réel soutien est réussi. A Limoges, chouette convergence également entre militants, anciens sans-papiers, personnes sans papiers pour fustiger la gestion par le Conseil Départemental des mineurs isolés et le manque criant de places d’hébergement d’urgence - situation qui se rencontre dans quasiment tous les départements.
  • enfin Paris, où la journée a mobilisé entre 2 et 3000 personnes pour une manifestation entre la porte de la Chapelle et la place de la République. Le cortège est parti symboliquement en face du chantier de l’Adidas Arena, qui est construit pour les JO 2024, car les organisateurs voulaient aussi profiter du contexte pour rendre hommage aux migrant-es qui ont bâti – et dont certains sont morts pour - les stades au Qatar et ceux qui sont en train de s’user pour la prochaine grosse vitrine mondiale de la France. Ce sont surtout les sans-papiers eux-mêmes qui animaient la manifestation avec des collectifs de sans-papiers de Paris et alentour, les collectifs de sans-papiers en grève de RSI, DPD et Chronopost (voir nos rubriques précédentes), le DAL pour le droit au logement. A noter également la présence de la CNT SO (essentiellement le nettoyage), des livreurs de la CGT ainsi que les sans-papiers de diverses UL CGT bossant notamment pour les plateformes de livraison et venus pour l’occasion avec leur scooter. Pendant que certains regardent le foot, d’autres livrent qu’il vente ou qu’il neige.    L’ensemble était assez dynamique et clairement dirigé contre la nouvelle loi Asile et Immigration. Mais c’est néanmoins une mobilisation insuffisante pour faire reculer Darmanin et son monde. N’empêche qu’un jalon a été posé et qu’à l’initiative de la Marche des Solidarités, des rendez-vous sont pris comme le lundi 9 janvier où une réunion nationale est en préparation pour faire le tour des envies et des possibilités de lutte contre la loi en question.

Source : militant-es sur place, la Marche des Solidarités

*** Une cible : la Loi Asile et immigration de Darmanin

C’est l’objectif : faire reculer l’exécutif sur cette autre grande loi – avec celle des retraites – que le gouvernement veut faire passer au premier trimestre 2023 contre les travailleurs avec ou sans papiers. Comme pour les retraites, Darmanin joue la montre et la « concertation » à sa sauce, en fait des tractations politiciennes avec les oppositions, en premier lieu desquelles, les républicains pour essayer de s’assurer une majorité à l’Assemblée nationale. Pour dégrossir le texte, deux sessions de débat ont été organisées dans les deux hémicycles parlementaires les 6 et 13 décembre. La version définitive du texte est sortie le 20 décembre pour être déposée au conseil d’État qui, après des vérifications juridiques, donnera son feu vert pour le débat législatif. Voilà pour leur calendrier, à nous d’élaborer le nôtre pour faire parler la démocratie de la rue et de la lutte des classes. Nous aurions tout à gagner qu’une convergence se réalise entre ces deux luttes si un mouvement social émerge contre la réforme des retraites.

Sur le contenu de la loi en tant que telle, nous l’avons largement détaillé dans le numéro précédent mais peut-être rappeler deux choses essentielles :

  • c’est une criminalisation de l’immigration qui est actée avec une politique du chiffre sur les « taux d’exécutions des OQTF » sous-entendu des expulsions et le retour d’une vieille lubie de la loi contre le séparatisme – retoquée en 2021 - qui prévoit de ne pas reconduire un titre de séjour si la personne ne respecte pas les « valeurs de la République ». Le texte de loi final prévoit également « le recours à la coercition » pour obtenir les empreintes digitales et la photographie des personnes arrêtées. Sans oublier le fichage automatique, les assignations à résidence et la construction de nouveau CRA
  • c’est aussi la libéralisation décomplexée des flux migratoires qui répondront dorénavant aux lois du marché, les lois de la République préparant juste le terrain. Contrairement à ce qui s’est dit, aucune régularisation complète ne se fera par le travail dans les métiers dit en tension comme le bâtiment, la santé, etc. Il s’agit juste de donner des titres de séjours temporaires – de 1 à 4 ans - pour faire face aux pénuries de main d’œuvre et aussi pour assurer la fin des chantiers pour les Jeux Olympiques de 2024 – et par extension de la réalisation du Grand Paris.

    La propagande gouvernementale parle d’une avancée car dorénavant le travailleur n’aura plus besoin de l’accord du patron pour obtenir des papiers. Mais la décision reviendra aux patrons en cravate : les préfets, qui pourront quand ils le voudront fermer le robinet des autorisations de rester sur le territoire. Parmi ces nouveaux titres de séjour en préparation, celui de la santé s’appellerait « Talent - professions médicales et de pharmacie ». Elle concernerait les médecins, les sages-femmes, les chirurgiens-dentistes et les pharmaciens. Pour attirer cette main d’œuvre qualifiée, les familles des immigrés sont aussi conviées – ce qui ne sera sûrement pas le cas pour le maçon malien. L’autorité qui chapeauterait tout ça, c’est l’ARS, en choisissant la durée de validité du séjour, entre 1 et 4 ans.

Dernier détail du projet de loi, les contours du titre "métiers en tension", d’une validité d’un an ne sera qu’expérimental jusqu’au 31 décembre 2026, car après un bilan sera transmis au Parlement et rien n’empêche une énième réforme pour refermer les grillages de l’immigration économique.    Ce titre spécial concernera tout étranger en situation irrégulière « qui a exercé une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers en tension depuis au moins huit mois sur les vingt-quatre derniers mois » et qui vit en France depuis au moins trois ans.

Source : tracts de manif, le Monde

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