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CA 332

Les Soulèvements face à la répression

lundi 17 juillet 2023, par Courant Alternatif


Une répression globale se déploie contre le mouvement des Soulèvements De La Terre (SDLT) et les autres composantes (voir l’éditorial) : dissolution demandée par le gouvernement, arrestations-interrogatoires par l’anti-terrorisme, détentions préventives ou condamnations à du ferme, procès à venir…
La prochaine initiative du mouvement, une caravane tracto-vélos de Sainte-Soline au siège de l’Agence de l’Eau à Orléans, du 18 au 25 aout, sera un indicateur de la mobilisation et des capacités de ses 170 collectifs et autres sympathisant-es.

UN MOUVEMENT EN PLEINE ASCENSION

Le rassemblement de Ste-Soline les 25 et 26 mars 2023 s’était soldé par un très lourd bilan de 200 blessé-es, certain-e-s très grave  mais aussi par une réussite numérique (plus de 20 000 personnes, doublement de la précédente mobilisation et près de 40 tracteurs présents malgré une manifestation re-interdite et des barrages policiers quadrillant le territoire). Le ministre de l’Intérieur avait parlé d’ « écoterroristes » et évoqué la dissolution des SDLT, pour faire oublier le blocage par les flics de l’arrivée des secours pendant les affrontements et le déluge de munitions tirées sur la foule.

Mal lui en avait pris, puisque l’élan de solidarité suite à cette annonce de dissolution s’était traduit par plus de 100 000 signatures de soutien aux SDLT, l’apparition de plus de 150 collectifs locaux, un meeting parisien médiatisé avec des personnalités reconnues revendiquant leur proximité avec les SDLT et la publication d’un livre à plusieurs mains, d’innombrables articles et émissions dans les médias. La menace du ministre a eu l’effet inverse de celui escompté (1).
Comment expliquer cet écho aussi positif dans la population, pourtant après les images d’affrontement de Ste-Soline ? L’humeur serait-elle repassée au « jaune » ?

Le mouvement contre la réforme des retraites se déroulant simultanément, en se heurtant lui-aussi à un « mur du refus » gouvernemental, subissant également des violences policières niées dans une dimension de classe, la lutte contre les méga-bassines a ainsi acquis une popularité et une visibilité inédites ; un indice, l’accueil très positif par les foules de manifestant-es des lectures des bulletins de santé des blessés de Ste-Soline dans de nombreuses villes.  ’autant que l’inquiétude sur le climat, la sécheresse et les incendies, la dégradation et la pollution des ressources ouvrent un boulevard aux lanceurs d’alerte et à la critique de l’agro-industrie, qui n’a plus rien à voir avec des paysan-ne-s mais plutôt avec le monde de la grande distribution et de l’agro-alimentaire, de la banque et du pouvoir.

DÉROULER LE PROGRAMME

Les autres initiatives des SDLT, toujours en appui de collectifs de lutte locaux, ont ensuite visé successivement le 22 avril le projet d’autoroute Castres-Toulouse ( 8000 pers., cf CA 331), le 11 juin en Loire-Atlantique l’ouverture/extension de 4 carrières de sable-roche et le maraîchage industriel (2000 pers., cf CA 312 pour une description de la lutte), enfin le 17 juin (3000 pers.) le chantier du tunnel du TAV Lyon-Turin dans la vallée de la Maurienne.

Selon Le Canard Enchaîné, il semble que la destruction de muguet et de salades expérimentales le 11 juin dans les serres de la fédération des Maraîchers Nantais, au sud de la métropole, ait piqué au vif Macron qui serait intervenu au conseil des ministres le mercredi suivant pour relancer personnellement l’idée de dissolution. La FNSEA , par la voix de son président de combat Arnaud Rousseau ( gros céréalier de 700 ha ayant débuté dans le business des oléagineux à la tête du groupe Avril, pur produit de l’agro-business ) a menacé de guerre civile si l’État ne faisait pas son job de répression. Détail intéressant, le président des Maraîchers Nantais, qui pleurait dans Ouest-France ses pauvres salades arrachées, a occupé ce job après avoir travaillé pour les sabliers de Loire-Atlantique. Le lien entre les carrières et le maraîchage industriel n’est ainsi plus à démontrer.

C’EST LE MOIS DE JUIN, SORS TON DARMANIN !

Une première rafle policière déclenchée le 5 juin au petit matin dans plusieurs villes envoie une quinzaine de personnes en garde à vue dans l’enquête sur le sabotage par 200 personnes d’une cimenterie Lafarge près de Marseille en décembre dernier, action de désarmement soutenue par les SDLT dans un communiqué. Elles sont relâchées a priori sans poursuite.

Le 20 juin, la SDAT (sous-direction anti-terroriste de la PJ) arrête, toujours sur le mode cow-boy, pour l’action contre la  cimenterie Lafarge, une autre quinzaine de personnes dans plusieurs villes, dont certains membres des SDLT sur la ZAD de Notre Dame des Landes. Hasard du calendrier, le lendemain le conseil des ministres prononce la dissolution des SDLT, qui engagent immédiatement un recours au Conseil d’État pour invalider cette mesure (un an de délai…).  es rassemblements de protestation contre la dissolution et contre la rafle sont organisées dans près de 150 villes par les Amis des SDLT (ASDLT ?). On peut se demander si l’on ne va pas assister à une redite de l’affaire Tarnac, tellement les boulettes se succèdent : le 23, toutes les gardes à vue sont levées !

Lors de la rafle, les flics ne trouvent pas les gens qu’ils sont censés pourtant surveiller : ils défoncent la porte de la mauvaise caravane, menottent et cagoulent l’occupante en lui donnant des coups devant son gosse avant qu’elle puisse  ’expliquer . Ils arrêtent un élu écolo qui porte la même barbe qu’un suspect à casquette  ouge présent à Ste-Soline : heureusement il peut prouver qu’il bouffait en famille pendant que la cimenterie morflait et il n’a pas de casquette rouge chez lui : à quoi ça tient ! (Canard du 28/06) Mais la juge ne rigole pas. Un militant de Bure, qui refuse la comparution immédiate, est mis en détention préventive jusqu’à son procès fin juillet ! Et un GJ bordelais qui ne se cachait pas d’avoir participé à la manif interdite, passe en comparution immédiate et prend dix mois !
Le 27 juin, nouvelle convocation sur la manif Ste-Soline pour plusieurs personnes dans différentes gendarmeries : 3 de la ZAD dans trois gendarmeries différentes sont transférés à Parthenay. Sont aussi convoqués le porte parole de Bassines Non Merci 79, les porte-paroles de la CONF 79, CONF nationale, secrétaires départementaux Solidaires  t CGT 79. Bref, les flics semblent chercher les failles potentielles entre les collectifs co-signataires sous pression. Un rassemblement  e soutien aux camarades regroupe le soir même 400 personnes à Nantes, et fusionne avec les manifestant-e-s pour Nahel, tué à Nanterre la veille par un flic. Les convoqués ressortent en fin de journée, mais les trois des SDLT de la ZAD passent en procès le 8 septembre pour organisation de manif interdite, et un d’eux aussi pour participation. Bref, il ne semble pas y avoir grand chose dans les dossiers mais cela n’empêcherait pas les juges de condamner et de garder à l’ombre un certain temps...

UN RAPPORT DE FORCE QUI SE NOUE

À Ste-Soline, les 3000 flics attendaient de pied ferme les manifestant-e-s qui osaient braver l’interdiction préfectorale. Manifestement ça ne suffit plus. Avec les deux rafles policières de juin et les procès à venir, la police qui s’intéressait aux SDLT au moins depuis un an, débarque chez les opposant-e-s et cherche à précéder les actions en désorganisant les collectifs avec des arrestations ou des mises sous pression et autres gardes à vue.

Comment syndicats et partis politiques vont-ils réagir ? On peut déjà se faire quelques idées... À Nantes, après le sabotage des serres de muguet et de salades, la presse s’est délectée de rapporter les condamnations des politiciens locaux de droite et de gauche (2) contre les écolos d’EELV ; ceux-ci ont  econnu avoir appelé contre les maraîchers industriels et les sabliers mais ne pas avoir participé à l’action car en désaccord et en restant sur la route. Quand on veut gérer le système, il ne faut pas insulter l’avenir, et la FNSEA ça compte... Un autre exemple de double discours est donné par Piole, maire EELV de Grenoble qui a signé la pétition « Nous sommes les Soulèvements de la Terre » de soutien aux SDLT, mais qui a soigneusement évité la manifestation contre l’extension de l’usine STMicro de production de puces. Ce genre d’usine nécessite une quantité phénoménale d’eau très pure pour fabriquer les microprocesseurs les plus performants (cf la revue « Vertement écolo » de CA 331). Piole veut bien « composer », histoire de sauter dans le train à succès des SDLT, mais quand ça touche aux enjeux vitaux du capitalisme, le réalisme s’impose...

La constitution de 150 collectifs locaux des SDLT va peut-être permettre de structurer des regroupements régionaux autonomes, distribués de façon décentralisée, fonctionnant transversalement grâce au nombre et en appui aux luttes locales, comme évoquait le compte-rendu  ’une réunion régionale près de Limoges dans le dernier CA 331. C’est probablement dans un premier temps la solution la plus économe d’énergies à envisager, même si ce sera délicat à déployer ; en effet la composition, exposée dans le livre « On ne dissout pas un soulèvement », est le résultat d’un compromis qui a mis du temps à s’établir, comme la confiance qui va avec.

La tracto-vélo du 18 au 25 aout prochain sera l’occasion de créer des liens, mais aussi de réfléchir collectivement aux prochains agendas de mobilisation dans cette perspective.

À suivre.
Nantes, le 30/06

NOTES
1) Trois mois plus tard, la rafle policière par la SDAT (Sous-Direction Anti Terroriste) le 20 juin d’une quinzaine de militant-e-s a ainsi provoqué un saut de 25 000 signataires supplémentaires de la pétition en ligne en soutien aux SDLT. À moins d’un bidonnage, c’est un capital de sympathie !... Même si ce n’est qu’un « like » plus élaboré qui n’engage pas  à grand chose.
2) Le pompon est remporté par l’élu municipal du PC qui a condamné le sabotage des serres au nom de la défense de l’outil de travail et du respect du travailleur...

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